Violence en milieu de travail avec une clientèle à risque : Un cercle vicieux?
Par Laurie Noreau
16 avril 2019
Faire l’objet d’un acte violent sur son lieu de travail est potentiellement traumatisant. Mais une première agression rend-elle le travailleur victime susceptible d’en subir d’autres ? Pour le vérifier, Josianne Lamothe, boursière de l’IRSST, a observé deux cohortes de travailleurs qui côtoient des patients à risque : ceux du milieu psychiatrique et de la protection de la jeunesse.
Par la nature de leur emploi, ces intervenants travaillent avec des gens qui vivent une profonde détresse. Que se passe-t-il quand ils sont eux-mêmes aux prises avec un niveau de stress élevé à la suite d’un acte de violence ? « Même si les travailleurs qui ont subi une agression font preuve d’empathie envers leurs patients, la détresse qu’ils ressentent fait en sorte qu’ils ne sont pas toujours émotionnellement disponibles pour eux. Ils seront peut-être moins attentifs à leurs signes de détresse », explique Josianne Lamothe. Les patients peuvent ainsi vivre des frustrations alors qu’ils cherchent de l’aide, ce qui peut créer un climat propice à l’éclatement de la violence. De plus, la doctorante souligne que les changements organisationnels dans le secteur de la santé peuvent parfois s’ajouter à l’équation. « En ce moment, les travailleurs n’ont pas le temps d’être proactifs et de faire la prévention de la violence. Ils sont toujours en réaction face aux évènements qui se produisent. »
L’état de stress qui découle d’une agression au travail évolue au fil du temps. Une précédente étude menée par Stéphane Guay de l’Université de Montréal, le superviseur de la boursière, a révélé que la vaste majorité des travailleurs consultés en milieu psychiatrique étaient de retour à leur poste deux semaines après une agression. Toutefois, près de 15 % d’entre eux présentaient un état de stress aigu, soit la première étape vers le diagnostic du trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Dans le cours de ses travaux de doctorat en criminologie, Josianne Lamothe a observé l’évolution à long terme de ce trouble. Après un an, les conséquences semblaient toujours tangibles : le taux de détresse grave des travailleurs en psychiatrie restait beaucoup plus élevé que dans la population générale.
Un soutien de l’organisation
Le facteur principal pour aider un travailleur en détresse reste le soutien de l’organisation, assure Josianne Lamothe. Parmi les attentes qu’ont formulées les participants provenant des deux milieux de travail étudiés, on note le souhait que les victimes d’une agression puissent choisir parmi différentes options. « Après un acte de violence, certains souhaitent retourner à la maison. D’autres ne voient pas l’intérêt de le faire, mais aimeraient discuter de l’évènement. Cela dépend des besoins de l’employé, constate-t-elle. Je pense que les superviseurs qui offriront une rétroaction de la situation se retrouveront devant des employés qui se sentent plus compétents, plus en confiance et vivent moins de détresse. »
Éliminer tout risque d’agression physique ou psychologique s’avère une mission difficile. « Il faut donc s’assurer que lorsque cela survient, les travailleurs aient tout le soutien dont ils ont besoin pour se remettre sur pied », conclut Josianne Lamothe.
Josianne Lamothe
Josianne Lamothe a d’abord abordé le thème de la violence conjugale pendant sa maîtrise en travail social puis a bifurqué vers la violence en milieu de travail sous l’angle de la criminologie. Elle a choisi la psychiatrie et la protection de la jeunesse, deux milieux où les employés sont particulièrement à risque de subir des agressions, mais où l’empathie envers les patients reste une valeur fondamentale, une façon pour elle de boucler la boucle avec le bagage accumulé pendant ses études en travail social.
Elle s’est vu décerner plusieurs prix et bourses grâce à ses travaux, notamment de la part de l’IRSST, du Conseil canadien en sciences humaines, des Fonds de recherche du Québec – Société et Culture et du Centre d’étude sur le trauma.
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