Vers plus de confort dans les oreilles

Par Laurie Noreau

3 août 2021

Lorsqu’il n’est pas possible de réduire le bruit à la source, le port de protecteurs auditifs donne un sérieux répit aux oreilles des travailleurs qui évoluent dans des environnements bruyants. Cependant, ces équipements peuvent causer un effet indésirable encore peu étudié : l’effet d’occlusion.

L’impression que notre voix sonne différemment, la sensation de parler dans un tonneau, d’entendre les basses fréquences amplifiées : voilà des effets plutôt désagréables que l’on peut ressentir lorsque des bouchons ou un protecteur de type serre-tête obstruent notre conduit auditif. Pour les travailleurs qui portent ce type d’équipement, cette sensation, appelée effet d’occlusion, peut être intense au point de les incommoder au quotidien, les incitant parfois à ne pas en porter.

« Un protecteur peut bien atténuer le bruit provenant de l’extérieur, mais dans certains cas, si l’effet d’occlusion est trop important, il pourrait tout simplement ne pas être porté par les travailleurs », indique Hugues Nélisse, chercheur en acoustique à l’IRSST.

Résultat : les travailleurs risquent d’être exposés à des niveaux de bruit dangereux pour leur santé auditive s’ils ne se munissent pas de protecteurs. Alors, comment rendre cet équipement plus agréable à porter? Avec son équipe de recherche, Hugues Nélisse tente de mesurer objectivement l’effet d’occlusion pour augmenter le confort des usagers.

Vers une approche normalisée

Il n’existe actuellement aucune méthode standardisée pour mesurer avec précision l’effet d’occlusion d’un protecteur auditif, un enjeu auquel l’équipe de recherche financée par l’IRSST a voulu remédier.

En laboratoire, les scientifiques utilisent couramment l’ossivibrateur, un dispositif appliqué sur un os crânien, pour générer un niveau de bruit dans l’oreille au moyen de transmission par conduction vibratoire osseuse. « L’effet d’occlusion est principalement dominé par les ondes vibratoires qui se propagent dans les os et les tissus », explique Hugues Nélisse.

Cependant, l’excitation par conduction osseuse nécessite un équipement complexe, difficile à transférer hors du laboratoire. Là n’est pas son seul inconvénient : « La stimulation osseuse en un point de contact sur un os crânien ne correspond pas vraiment à la réalité des individus en milieu de travail. C’est plutôt quand ils parlent que l’effet d’occlusion serait le plus incommodant », remarque le chercheur.

Une méthode plus simple et plus représentative devait donc être mise au point pour permettre de mesurer l’effet d’occlusion directement dans les milieux de travail. Dans ce cas, pourquoi ne pas utiliser la voix? C’est la méthode choisie par les chercheurs de l’IRSST, en collaboration avec l’École de technologie supérieure (ÉTS).

L’insertion de microphones miniatures dans le conduit auditif permet de mesurer le niveau de bruit dans l’oreille. Dans un environnement contrôlé, une trentaine de sujets ont été invités à prononcer des nombres aléatoires et des voyelles, avec et sans protecteur auditif. L’effet d’occlusion obtenu s’est révélé maximal entre 100 et 500 Hz avant de devenir pratiquement nul au-dessus de 1 000 Hz.

L’utilisation de nombres aléatoires s’est révélée être une méthode rigoureuse et reproductible pour mesurer l’effet d’occlusion, car il est plus facile de maintenir un signal vocal sur une longue période en dictant des chiffres. De plus, la prononciation des voyelles peut plus facilement différer d’une prise de mesure à une autre, entraînant une plus grande variabilité des résultats. L’approche par excitation vocale ne nécessitant que peu d’équipement, elle pourrait plus facilement être adaptée à une utilisation sur le terrain.

Des résultats variables

En comparant les résultats obtenus par ossivibrateur avec ceux récoltés par la voix, il apparaît que les valeurs de l’effet d’occlusion par excitation osseuse sont supérieures à celles de l’excitation vocale. Ce constat surprend toutefois peu les chercheurs.

« Si on avait un choix à faire en milieu de travail, on préconiserait l’utilisation de la voix parce que c’est plus simple à mettre en oeuvre. Toutefois, nous n’éliminons pas l’ossivibrateur pour autant. Il faut comprendre pourquoi les résultats diffèrent, et l’importance de cette différence », soutient Hugues Nélisse.

Des collectes de données sur le terrain devraient permettre de faire la lumière sur cet écart. En comparant les résultats obtenus en laboratoire avec ceux provenant de milieux de travail, il sera possible de déterminer laquelle des deux méthodes (excitation vocale ou osseuse) convient le mieux à la réalité des travailleurs.

La perception des participants sera aussi évaluée. « On a développé des outils pour mesurer objectivement l’effet d’occlusion. Maintenant, il faut vérifier comment ce qu’on mesure avec la voix ou l’ossivibrateur corrèle avec ce que les gens perçoivent ou ressentent. Par exemple, pourrait-on mesurer un effet d’occlusion objectif important, mais qui ne soit pas ressenti par certains individus? C’est possible. Nos prochaines études devraient nous éclairer à ce sujet », explique Hugues Nélisse.

Classer l’effet d’occlusion

Un des principaux critères pour choisir un protecteur auditif est bien souvent le niveau d’atténuation sonore qu’il procure. Pour l’instant, le marché ne possède pas de classement du genre en ce qui concerne l’effet d’occlusion. Pourtant, cela permettrait aux hygiénistes industriels d’offrir une protection mieux adaptée à l’environnement du travailleur. En plus de l’atténuation sonore, un indicateur de performance supplémentaire lié à l’effet d’occlusion permettrait d’évaluer la capacité d’un protecteur à le diminuer.

« Si nous avons un travailleur qui parle beaucoup pendant sa journée au travail, il pourrait être tenté de se tourner vers un protecteur qui minimise l’effet d’occlusion, tout en conservant une bonne atténuation », mentionne Hugues Nélisse.

Pour en savoir plus

NÉLISSE, Hugues, Hugo SAINT-GAUDENS, Franck SGARD, Olivier DOUTRES. Mise au point d’une méthode de mesure objective de l’effet d’occlusion basée sur la voix, R-1118, 77 pages.
Irsst.info/r-1118

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