Travailleuses et travailleurs immigrants : quelle est leur réalité?

Par Paul Therrien

11 février 2025

Photo : BearFotos/Shutterstock.com

Lorsqu’on intègre une terre d’accueil, tout (ou presque) est nouveau : la culture, la langue, le travail… Bien qu’enrichissant, le processus peut parfois être ardu. Au Québec, des centaines de milliers de travailleuses et travailleurs issus de l’immigration permanente et temporaire arrivent chaque année, et un nombre grandissant d’entre eux s’installe hors des grands centres. Ces changements démographiques entraînent bien sûr des changements dans les entreprises. Les employeurs doivent s’adapter et mettre en place différentes mesures s’ils désirent bien jouer leur rôle en matière de prévention. Pour mieux comprendre la réalité de certaines personnes issues de l’immigration et voir comment celle-ci peut influencer la santé et la sécurité du travail (SST), nous avons discuté avec Catherine Talbot, conseillère en prévention-inspection, ainsi qu’avec Louis-Alexandre Girard, conseiller en concertation et coordonnateur de la Stratégie Immigration, tous deux de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Depuis quelques années, il y a une augmentation considérable du nombre de personnes issues de l’immigration temporaire et permanente s’installant dans les différentes régions du Québec. En 2001, environ 30 % de ces personnes se logeaient et cherchaient du travail hors de Montréal. Vingt ans plus tard, ce taux s’élevait à 44 %, selon le bilan démographique du Québec de 2023. Toujours selon ce même rapport, plus de 237 000 personnes issues de l’immigration ont été admises au Québec de façon permanente entre 2019 et 2023. Ajoutons à cela la forte hausse du nombre de résidents et résidentes temporaires observable depuis les dernières années.

Composé d’étudiantes et étudiants internationaux, de travailleuses et travailleurs étrangers et de demandeuses et demandeurs d’asile, le Québec comptait, en 2024, 560 000 résidentes et résidents temporaires. À cet effet, le gouvernement annonçait en 2024 son intention de favoriser la régionalisation des résidents temporaires1. Ces changements démographiques se constatent inévitablement sur la composition de la main-d’œuvre, et donc sur les milieux de travail.

Pénurie de main-d’œuvre et solutions à long terme

En 2022, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale estimait qu’il y aurait plus de 1,6 million d’emplois à pourvoir au Québec entre 2021 et 2030. Cette réalité favorise l’embauche de personnes immigrantes et de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Les employeurs doivent se conformer à l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, qui prévoit qu’ils doivent offrir des milieux de travail sains et sécuritaires. Pour cela, la formation et la supervision des nouveaux travailleurs et nouvelles travailleuses sont des obligations qui contribuent à l’amélioration des conditions de travail et favorisent la rétention du personnel.

De 2019 à 2023, le nombre de permis octroyés aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires a augmenté de 152,4 %. En effet, le mouvement hors des grands centres s’explique par les besoins en main-d’œuvre et la nouvelle réalité de l’habitation. « Avant la pandémie, on parlait déjà de la crise du logement, explique Catherine Talbot. Comme la location d’un appartement et l’achat d’une maison sont très dispendieux dans les métropoles, c’est devenu plus intéressant pour les personnes issues de l’immigration d’aller vers les banlieues et les régions. Or, il y a souvent peu de services pour ces personnes à ces endroits… Pour certains employeurs, l’intégration sociale et professionnelle de ces nouveaux travailleurs peut être complexe. »

« Dans le cas de ces travailleuses et travailleurs, il y a souvent une accumulation de facteurs de vulnérabilité, notamment le fait de ne pas parler ou de mal maîtriser le français. »

– Louis-Alexandre Girard, conseiller en concertation et coordonnateur de la Stratégie Immigration à la CNESST

Un parcours parfois difficile… et risqué

En plus de devoir se familiariser avec la culture québécoise et, dans certains cas, d’apprendre le français, bon nombre de nouvelles arrivantes et de nouveaux arrivants sont confrontés à différentes situations pouvant accroître leur vulnérabilité. Par exemple, puisque certains d’entre eux ne parviennent pas à trouver rapidement un emploi correspondant à leur expérience professionnelle ou à la scolarité réalisée dans leur pays d’origine, ils doivent parfois, pour subvenir à leurs besoins, occuper des emplois pour lesquels ils n’ont pas d’expérience de travail et qui les exposent à de nombreux risques professionnels. Ils sont dès lors peu familiers avec les risques associés à leurs tâches et aux méthodes de travail sécuritaires.

Bien souvent, les nouvelles arrivantes et les nouveaux arrivants connaissent peu les droits et obligations en matière de travail au Québec. Cela peut les rendre vulnérables aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. « Dans le cas de ces travailleuses et travailleurs, il y a parfois une accumulation de facteurs de vulnérabilité, notamment le fait de ne pas parler ou de mal maîtriser le français, explique Louis-Alexandre Girard. Cela fait en sorte que les informations ou la formation en lien avec la SST peuvent être mal comprises, exposant ces personnes à des risques d’accident. »

Par ailleurs, comme les attitudes et les perceptions de la gestion des risques au travail varient grandement d’un pays à l’autre, il peut arriver que des gens « tolèrent » des méthodes de travail dangereuses qui peuvent menacer leur intégrité physique et psychologique.

Favoriser la réussite individuelle et collective

Peu importe leur statut migratoire, les travailleuses et travailleurs occupant un emploi au Québec ont tous les mêmes droits et obligations en matière de travail. Selon les deux conseillers interviewés, les employeurs ont tout à gagner à tenir compte des facteurs de vulnérabilité que peuvent présenter les personnes issues de l’immigration. Ils doivent parfois adapter leurs façons de faire en conséquence afin de s’assurer de bien les intégrer et d’éviter des accidents. Par exemple, il existe des manières efficaces de surpasser la barrière linguistique, notamment en ayant recours à la francisation en entreprise. « Les nouveaux arrivants n’ont souvent pas la possibilité de tout lâcher pour étudier le français à temps plein, explique Catherine Talbot. Ces cours donnent l’occasion d’apprendre, entre autres, des termes techniques reliés à leur emploi pour bien comprendre les consignes en matière de SST. »

Il est à préciser que différentes mesures d’intégration peuvent être utilisées et combinées, par exemple le recours à des services professionnels en interprétation et en traduction ainsi que le mentorat, qui permet de jumeler une travailleuse ou un travailleur allophone avec une ou un collègue plus expérimenté parlant la même langue. « C’est important de prendre le temps d’informer les travailleuses et travailleurs nouvellement arrivés au Québec des normes et des pratiques entourant la prévention au Québec dès leur intégration dans l’entreprise. C’est aussi primordial, particulièrement lorsqu’ils ne maîtrisent pas le français, de vérifier s’ils ont bien assimilé l’information et la formation en SST qu’ils ont reçues et s’ils ont la supervision nécessaire. Ça fait toute la différence au niveau de leur intégration », conclut Louis-Alexandre Girard.

De l’information à portée de main

La CNESST offre une panoplie de services aux employeurs pour les accompagner dans leur démarche d’intégration des nouveaux travailleurs et nouvelles travailleuses : pour obtenir plus d’information à ce sujet, il suffit de consulter les pages Accueil et intégration de personnel (Accueil et intégration de personnel | Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail – CNESST) et Facteurs de vulnérabilité (Facteurs de vulnérabilité | Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail – CNESST) sur le site Web de la CNESST.

  1. Gouvernement du Québec (2024). Immigration temporaire – Québec limite l’augmentation du nombre de résidents non permanents.

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