Premiers secours – au-delà des trousses et des secouristes
Par Julian Samson
23 novembre 2021
Retraité, Pierre travaille à la quincaillerie de son village. Alors qu’il manipule des planches, une pile se renverse et le fait chuter. Pierre subit une entaille à la tête en heurtant le sol. Le seul secouriste de l’établissement ne travaille pas ce jour-là. À l’aide d’une trousse de premiers secours en vente dans le commerce, la gérante parvient à arrêter le saignement de Pierre. Elle lui offre également d’appeler sa conjointe pour qu’elle le ramène chez lui. En route, Pierre perd connaissance. Sa conjointe le conduit alors à l’hôpital. Pendant sa convalescence, Pierre se demande si son accident n’aurait pas dû être mieux pris en charge par son employeur…
Un règlement…
Le Règlement sur les normes minimales de premiers secours et de premiers soins permet de répondre, en partie, aux interrogations de Pierre :
- Secouriste : L’article 3 du Règlement prévoit que, dans un établissement, l’employeur doit assurer la présence, en tout temps durant les heures de travail, d’au moins un secouriste par quart de travail où sont affectés 50 travailleurs ou moins. L’employeur se doit donc de faire former suffisamment de secouristes et de prévoir les horaires pour y arriver.
- Trousse de premiers secours : L’article 4 du Règlement prévoit aussi que l’employeur doit munir son établissement d’un nombre adéquat de trousses qui sont faciles d’accès, près des lieux de travail et disponibles en tout temps. Le contenu de ces trousses doit également être conforme à la norme « Trousse de secourisme en milieu de travail » (CAN/CSA Z1220-17).
- Autres mesures : Le Règlement exige notamment un affichage indiquant l’emplacement des trousses (article 13) et les noms des secouristes (article 14).
…Et une loi habilitante
Le Règlement est en vigueur conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP). C’est cette loi qui traite de « la réparation des lésions professionnelles et [de leurs] conséquences ». Voici ce qu’elle prévoit en matière de premiers secours :
- Premiers secours et transport : L’article 190 de la LATMP prévoit que l’employeur doit non seulement donner les premiers secours à un travailleur victime d’une lésion professionnelle dans son établissement, mais également, s’il y a lieu, le faire transporter dans un établissement de santé, chez un professionnel de la santé ou à sa résidence, selon ce que requiert son état. L’article précise que les frais de transport de ce travailleur sont assumés par son employeur, qui doit les rembourser à la personne qui les a payés.
- Sanction pénale : Les articles 458 et 459 de la LATMP prévoient les amendes qui peuvent être imposées à l’employeur ou au maître d’œuvre qui ne respecte pas les obligations des articles 190 et 191 de la LATMP1.
- Recours administratif : Le refus par l’employeur de rembourser les frais de transport peut donner lieu à un recours en vertu de l’article 32 de la LATMP. Des employeurs se sont ainsi vu ordonner le remboursement de frais ambulanciers ou du coût de l’essence pour se rendre à un centre hospitalier2. Cela ne s’applique pas à un transport subséquent, alors couvert par d’autres dispositions3, ni à un transport qui n’était pas consécutif à une lésion professionnelle4.
Une réparation qui doit débuter rapidement
Le processus de « réparation » doit débuter dès la survenance d’une lésion professionnelle. Cela comprend donc les premiers secours et les premiers soins et, lorsque nécessaire, le transport du travailleur accidenté. Dans notre mise en situation, l’employeur de Pierre devra donc lui rembourser la somme déboursée pour son transport vers le centre hospitalier et voir à réviser ses pratiques en matière de premiers secours.
- Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Adrien Côté (1985) inc., 2010 QCCQ 4821.
- Fournier et 9363-9482 Québec inc. (Contruction Pro-Tech), 2018 QCCNESST 610.
- Petitclerc et Société Makivik, 2020 QCCNESST 126, QUE19-206, 21 avril 2020.
- Fajertag et Aliments Caravan inc., 2018 QCCNESST 381, MTL18-130, 19 juin 2018, par. 31.