Prédire les chargements au dos en situation réelle

Par CATHERINE COUTURIER

7 mars 2023

Photo : Istock

« On a peu d’outils validés qui nous permettent de mesurer les chargements au dos en milieu de travail et d’estimer le niveau de risque associé à ces activités », constate Alain Delisle, professeur à la Faculté des sciences de l’activité physique de l’Université de Sherbrooke. Avec son équipe, il a voulu faire un pas de plus dans cette direction.

Les blessures au bas du dos sont très courantes en milieu de travail, particulièrement chez les personnes qui manutentionnent des charges lourdes. Depuis plusieurs années, l’IRSST a financé de nombreuses études à ce sujet. Le rapport Mise au point et validation d’une approche terrain de prédiction des chargements au dos basée sur des données de laboratoire représente donc une continuité « avec les travaux antérieurs sur la manutention », confie Alain Delisle, qui s’intéresse à la quantification du risque de blessure et à la façon dont les chargements agissent sur la structure du corps humain.

Le professeur de l’Université de Sherbrooke et son équipe souhaitaient développer une approche pour quantifier les charges au dos, mais en situation réelle. Ils devaient donc d’abord mettre au point une façon de mesurer les mouvements du dos. Bien qu’ils disposaient déjà d’instruments portables pour mesurer ce premier indicateur de risque (posture, amplitude et vitesse des mouvements), « on voulait aller un peu plus loin, pour permettre une quantification du chargement aux structures », précise-t-il. Ce chargement est évalué selon le moment de force généré au bas du dos pour soulever les charges.

Mesurer en milieu de travail

Si des mesures en laboratoire avaient déjà été effectuées, mesurer les efforts dans la réalité présente d’autres défis. En effet, les appareils utilisés en laboratoire mesurent les forces aux mains ou aux pieds, ce qui est difficilement utilisable sur le terrain puisqu’il est impossible d’équiper d’une sonde à la fois toutes les charges à soulever et le sol. L’équipe de recherche a décidé d’utiliser l’électromyographie (qui mesure l’activité électrique musculaire) pour permettre d’estimer les efforts, puis de combiner cette information avec la posture et le mouvement détectés par des capteurs. Pour éviter d’encombrer les travailleuses et les travailleurs, il fallait réduire le nombre de ces dispositifs au minimum. Seulement deux capteurs de mouvement (sur le bassin et le tronc) et deux capteurs d’électromyographie ont servi à estimer le moment de force.

Les scientifiques ont par la suite adopté une approche prédictive au moyen de l’apprentissage machine. Ils ont consacré une grande partie de la recherche à la conception de cet algorithme, établi selon des données de laboratoire préalablement récoltées. « Nous avions une banque de données de laboratoire qui estimaient de façon plus précise les moments de charges au dos dans des situations assez variables (boîtes de différentes masses, hauteurs de manutention, hommes-femmes, personnes expérimentées ou non, etc.) », décrit Alain Delisle.

Un premier pas concluant

Après deux ans de travail et l’analyse d’une énorme quantité de données, Alain Delisle considère que l’approche terrain de prédiction développée fonctionne bien, « même si ce n’est pas parfait », reconnaît-il. Cette approche explique 80 % de la variance du mouvement vis-à-vis les vertèbres L5 et S1, en comparaison avec un modèle de référence de type laboratoire.

Si cette approche ne permet pas de quantifier des risques précis pour une personne donnée, elle peut servir à les estimer pour un groupe de personnes ou une situation de travail. « On a des résultats de performance intéressants avec la méthode, qui se comparent assez bien avec d’autres approches nécessitant beaucoup plus de capteurs », affirme Alain Delisle.

Il reste aussi important de reprendre ces estimations en milieu de travail. « En laboratoire, on n’est jamais en contexte réel, c’est difficile de percevoir les influences sur les situations de travail et de reproduire ce qui est fait sur le terrain », résume Alain Delisle. Il s’agit donc d’un premier pas visant à donner accès à une méthode utilisable sur le terrain, par exemple pour évaluer les effets d’un aménagement sur les efforts au dos. Il reste toutefois du travail à faire pour rendre cette approche accessible aux non spécialistes. « Cela reste pour l’instant un outil pour la recherche », nuance-t-il.

Élargir à d’autres situations

Le chercheur note une importante retombée indirecte de cette étude. Son équipe et lui ont en effet imaginé une approche pour nettoyer les signaux électromagnétiques des muscles. En effet, pour utiliser ces signaux, il fallait s’assurer de leur qualité et écarter toute perturbation électrique externe. La recherche a ainsi permis de mettre au point une procédure pour les nettoyer « de manière presque automatique, ce qui facilite l’utilisation de l’électromyographie », souligne d’ailleurs le scientifique.

Alain Delisle souhaiterait élargir la base de données à d’autres situations de manutention que celle d’une boîte sans poignée soulevée du sol à la hauteur des épaules : des tirées ou poussées de chariots, la manipulation de malades, etc. « Cela nous aidera à comprendre comment les blessures peuvent survenir, l’évolution temporelle de ces chargements et faire un suivi en continu », explique-t-il.

Pour en savoir plus

Rapport : irsst.info/r-1164

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