Pesticides : des effets sur la santé des travailleurs
Par Karolane Landry
2 mars 2021
Avec près de 1,8 million d’hectares de terres cultivées au Québec, les pesticides sont largement utilisés dans le secteur agricole. Bien qu’ils protègent les cultures contre les organismes nuisibles et assurent des récoltes régulières, leur toxicité en fait souvent des produits dangereux pour les êtres vivants et pour l’environnement. Pour que les agriculteurs puissent obtenir de l’information synthétisée sur les effets sanitaires des pesticides les plus vendus au Québec, l’Union des producteurs agricoles (UPA) a demandé à l’IRSST de produire un rapport d’expertise sur le sujet.
Le rapport de l’Institut synthétise l’état des connaissances actuelles sur les conséquences d’une exposition à court ou à long terme dans le but d’identifier les effets sur les humains. Les effets à court terme se présentent plutôt sous forme d’allergies, d’irritations ou d’effets aigus, tandis qu’à long terme, ils peuvent se traduire par un éventail de maladies, notamment les cancers.
Les pesticides les plus vendus au Québec
Au total, 25 pesticides parmi les plus vendus au Québec, selon le bilan de 2017 du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), ont été choisis pour cette analyse avec l’ajout de quelques-uns dont les ventes sont en croissance. Parmi ceux-ci, on trouve le glyphosate, l’herbicide le plus utilisé au Québec, le captane, un fongicide, et le chlorantraniliprole, un insecticide. Pourquoi avoir choisi les produits les plus vendus plutôt que les plus utilisés? À cette question, Pamela Prud’homme, professionnelle scientifique à l’IRSST et coauteure du rapport répond : « Les données officielles les plus complètes quant à l’utilisation des pesticides sont les quantités vendues, disponibles auprès du MELCC. Il n’y a pas de registre officiel des quantités utilisées. »
Des connaissances établies
Pour présenter les connaissances découlant des données de la recherche, l’équipe de l’IRSST a regroupé l’information disponible sur chacun des pesticides (selon leur ingrédient actif) provenant de diverses analyses réalisées par de grands organismes nationaux et internationaux . « Il s’agit notamment de l’Organisation mondiale de la Santé et du comité mixte de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Ces organisations ont tiré leurs conclusions à partir de deux sources : des études épidémiologiques effectuées en milieu de travail et des études expérimentales en laboratoire, le plus souvent sur des animaux », explique Pamela Prud’homme.
Une question de certitude des effets
Le rapport présente les données sous forme de fiches, en classant chacun des pesticides selon la certitude des effets qu’entraîne son ingrédient actif. « Cette classification permet d’identifier un effet toxique à partir de plusieurs preuves scientifiques, allant d’un effet démontré − par exemple, le captane cause des opacités cornéennes −, à l’absence de preuves solides d’effet − par exemple, le chlorantraniliprole n’est associé à aucun effet sanitaire selon les données accessibles actuellement », résume France Labrèche, épidémiologiste et chercheuse à l’IRSST. On étudie dans ce rapport l’effet de l’exposition à un seul pesticide à la fois.
Au quotidien, les travailleurs agricoles sont exposés à plusieurs de ces substances. France Labrèche donne un exemple : « Si l’on pense à la pomiculture, il faut combattre plusieurs maladies et ravageurs à l’aide de pesticides antifongiques et d’insecticides à partir du printemps, avant que les fleurs se développent, et jusqu’à la récolte. » Il est aussi possible que certains effets sanitaires apparaissent lorsque plusieurs produits sont utilisés simultanément ou encore, les uns après les autres. L’exposition aux pesticides s’avère donc multiple et complexe. À l’heure actuelle, il existe peu d’information scientifique sur les effets de l’exposition professionnelle à plusieurs de ces substances.
Place aux moyens de prévention
Les travailleurs sont exposés à des pesticides de diverses façons. Ils peuvent les absorber par contact avec la peau, par inhalation de leurs poussières, vapeurs ou brouillards, et par contamination autour ou dans la bouche. La peau en est souvent la principale porte d’entrée lors de travaux agricoles, tout comme la voie respiratoire si les pesticides sont volatiles et appliqués par pulvérisation. Il ne faut pas sous-estimer la voie orale dans les cas où les règles d’hygiène de base ne sont pas respectées.
Il est difficile de protéger la santé des agriculteurs, puisqu’il n’est pas souvent facile d’éliminer l’utilisation des pesticides. « En matière de gestion agricole, on peut diminuer l’exposition des travailleurs en empruntant des techniques appartenant à la lutte intégrée, tout en appliquant des mesures préventives, comme l’entreposage sécuritaire des pesticides ou l’utilisation de pulvérisateurs qui émettent des jets plus orientés, ou de tracteurs avec des cabines à pression positive. Cependant, l’utilisation d’équipements de protection individuelle reste nécessaire pour l’épandage de pesticides, en plus des autres moyens de prévention », précise France Labrèche.
Les connaissances relatives aux pesticides évoluent sans cesse. La certitude de leurs effets sur la santé des humains continuera assurément de faire des progrès.
Pour en savoir plus
PRUD’HOMME, Pamela, France LABRÈCHE, Annie MATHIEU, Kannan KRISHNAN. Effets sanitaires des pesticides agricoles les plus vendus au Québec, QR-1104, 64 pages.