Monoxyde de carbone : Des mythes à déconstruire
On ne peut ni le sentir, ni le voir : le monoxyde de carbone (CO), parfois appelé « le tueur silencieux », se répand rapidement dans l’air et peut faire des ravages. Lors de leur conférence au Grand Rendez-vous santé et sécurité du travail de Montréal, Marie-Ève Thériault, conseillère en prévention pour l’Association sectorielle paritaire du secteur de la construction (ASP Construction), et Julie Lizotte, chef de service en santé au travail Centre-Est au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, expliquent l’importance d’être conscient du danger et de connaître les moyens de prévention qui y sont associés.
Janvier 2019, à Montréal. Une école défraie les manchettes : 124 élèves ont été intoxiqués au monoxyde de carbone. Le système de chauffage est en cause et l’enquête révèle que les détecteurs de CO étaient défectueux.
Avril 2019, à Montréal. De grandes pannes de courant surviennent et au moins 40 personnes ont consulté un médecin à la suite d’intoxications au CO. Les causes étaient l’utilisation de barbecues et de génératrices dans les demeures pour se réchauffer.
Mai 2019, à Rimouski. Lors de travaux de dynamitage, du monoxyde de carbone est libéré et une centaine de personnes doivent être évacuées.
Juillet 2019, à Winnipeg. Dans un motel, 46 personnes sont intoxiquées au monoxyde de carbone, dont 15 gravement. La fuite a été provoquée par un chauffe-eau. Le motel n’était pas équipé de détecteurs de CO.
Étourdissements, nausées, maux de tête, difficultés respiratoires ; dans tous les cas, ces symptômes ne sont pas à prendre à la légère. « Même en faible concentration, le CO diminue l’apport d’oxygène aux organes du corps et peut entraîner à long terme le décès », rapporte Marie-Ève Thériault.
Faibles concentrations, lourdes conséquences
Pour éviter les effets du CO sur la santé, le Règlement sur la santé et la sécurité du travail prescrit en milieu de travail que la valeur d’exposition moyenne pondérée (VEMP) pour 8 heures par jour pour une semaine de 40 heures ne doit pas dépasser 35 parties par million (ppm). La valeur d’exposition de courte durée (VECD), sur 15 minutes, ne doit pas dépasser 200 ppm durant la journée de travail, même si la VEMP est respectée. Ceci signifie que l’exposition moyenne au cours d’une période de 15 minutes consécutives peut être comprise entre la VEMP et la VECD, pourvu que ces expositions ne se reproduisent pas plus de 4 fois par jour et qu’elles soient entrecoupées de périodes d’au moins 60 minutes*. Si un cas d’intoxication au CO survient, il est primordial de retirer le travailleur du milieu contaminé le plus vite possible pour diminuer la concentration de CO dans son sang. Pour éliminer le CO dans l’organisme, il faut considérer sa demi-vie, c’est-à-dire le temps nécessaire pour que la concentration dans le sang diminue de moitié. Pour le CO, 5 heures à l’air ambiant sont nécessaires. Lorsque le travailleur intoxiqué reçoit de l’oxygène pur, cette durée est réduite à 75 minutes et lorsqu’il est transporté en chambre hyperbare, 23 minutes sont requises. Lorsqu’une intoxication survient, il est nécessaire d’éliminer rapidement le CO du corps pour éviter des séquelles à long terme.
Moyens de prévention efficaces
D’abord, une planification adéquate des travaux est importante. « La première question à se poser peut être par exemple, est-ce que j’ai vraiment besoin d’un chariot élévateur au propane? Pourrais-je le remplacer par un modèle électrique? » mentionne Julie Lizotte. En effet, remplacer les appareils à moteur à combustion interne par des appareils électriques réduit le risque. Si cela n’est pas possible, les placer à l’extérieur élimine le danger à la source. Brancher un tuyau sur le système d’échappement et le rediriger à l’extérieur pour évacuer l’air vicié est une autre méthode préconisée par les deux expertes. Il faut toutefois s’assurer que l’air ne peut pas revenir à l’intérieur de l’établissement. Aussi, entretenir et ajuster régulièrement les moteurs des appareils à combustion interne pour assurer leur bon fonctionnement est une méthode de prévention qui a fait ses preuves*.
Une ventilation adéquate permet un apport d’air frais en tout temps, en plus d’éliminer l’air vicié. « L’employeur doit se demander si la ventilation convient pour le travail à faire. Le simple fait d’ouvrir la porte de l’établissement n’est pas adéquat. Il faut s’assurer d’avoir un changement d’air afin que les concentrations ne dépassent pas les valeurs permises », suggère Julie Lizotte.
Symptômes d’intoxication au monoxyde de carbone
- Maux de tête
- Nausées et vomissements
- Étourdissements
- Troubles de la vision et du jugement
- Somnolence et confusion
- Convulsions
- Faiblesses musculaires
- Perte de conscience
Sources de CO
- Génératrices
- Découpeuses à disque abrasif ou à meule
- Polisseuses à plancher, à béton
- Aplanisseuses de béton
- Compresseurs
- Compacteurs
- Chaufferettes
- Chariots élévateurs
- Plateformes élévatrices
- Mini-chargeurs
Les détecteurs de monoxyde de carbone, qui décèleront la présence de gaz sont des éléments essentiels pour la prévention. Toutefois, une entreprise ne peut pas se munir de n’importe quel type de détecteur. Celui-ci doit être adapté au milieu et aux travaux effectués. Un détecteur à usage industriel, un détecteur portatif multigaz (4 gaz) muni d’une cellule de détection du CO ou monogaz (uniquement CO) permet de déceler la présence de ce gaz*.
Finalement, tous les travailleurs qui ont accès au lieu de travail doivent être formés et informés des risques et des mesures de prévention en lien avec le CO. Il est impératif de les sensibiliser aux symptômes annonciateurs d’une intoxication au CO et aux premiers secours à prodiguer. Il ne faut jamais prendre ces symptômes à la légère!
Pour en savoir plus
* ASP Construction, « La prévention des intoxications au monoxyde de carbone », Prévenir aussi, vol. 33, no 4 (hiver 2018-2019), p. 2.