Les métamatériaux s’invitent dans les bouchons d’oreilles

Par KAROLANE LANDRY

18 avril 2023

Les recherches le démontrent depuis plusieurs années : une exposition prolongée au bruit peut causer des pertes auditives. C’est pourquoi les milieux de travail ont souvent recours au port de protections auditives, notamment des bouchons d’oreilles, mais ils ne devraient être utilisés qu’en dernier recours, comme le prévoit la hiérarchie des moyens de prévention. Cependant, en raison du phénomène d’effet d’occlusion, ces dispositifs créent un inconfort acoustique chez les personnes qui les portent.

En 2022, lorsque Kévin Carillo et son équipe ont entrepris des recherches pour trouver une solution à cet inconfort, l’utilisation de métamatériaux dans la conception des bouchons paraissait offrir une option très prometteuse. C’est d’ailleurs ce qui a valu à cet étudiant d’obtenir alors une bourse de l’IRSST.

Un projet de recherche au service des travailleuses et des travailleurs

« Lors de mon stage de fin d’études, je travaillais déjà sur les protections auditives et j’ai beaucoup aimé le fait qu’on applique l’ingénierie à un problème humain de santé et de sécurité du travail. C’est ce qui m’a poussé à continuer dans ce domaine », explique Kévin Carillo. En effet, la perte auditive est la maladie professionnelle la plus répandue au Québec.

Le port de bouchons d’oreilles produit plusieurs inconforts. Par exemple, l’effet d’occlusion, un inconfort acoustique notable, se manifeste comme suit : les bruits physiologiques qu’émet le corps, dont la voix, se propagent jusqu’au conduit auditif. Si celui-ci est obstrué, ces sons corporels s’amplifient. Cet effet d’occlusion augmente la pression acoustique dans le conduit auditif. « Lorsqu’on se bouche les oreilles, on a la sensation étrange que notre voix est beaucoup plus grave. C’est parce qu’on atténue les sons de moyennes et hautes fréquences transmis par voie aérienne et qu’on amplifie dans le même temps les sons de basse fréquence à cause de l’effet d’occlusion », explique Kévin Carillo.

Pour réduire ce désagrément qui peut inciter les travailleuses et travailleurs à retirer temporairement leurs bouchons de protection auditive, voire à ne pas en porter, Kévin Carillo a utilisé un concept inusité dans ce domaine : les métamatériaux vibroacoustiques. « Les protections auditives passives, comme les coquilles et les bouchons, sont identiques depuis plusieurs années. Les produits n’ont pas évolué. C’est donc une grande nouveauté d’incorporer ce concept dans leur conception », se réjouit le boursier de l’IRSST.

Le pouvoir des métamatériaux

Les métamatériaux vibroacoustiques sont conçus pour exhiber des propriétés que l’on trouve rarement à l’état naturel, même pas du tout, dans les matériaux. Il s’agit de matériaux architecturés qui peuvent être appliqués aux domaines de l’acoustique du bâtiment, de l’aéronautique et des transports, où Kévin Carillo a puisé son inspiration. « Je devais reproduire les façons de faire d’autres milieux et les tester pour résoudre notre problème, tout en étant attentif aux enjeux de miniaturisation et de confort. Notre prototype doit conserver la taille d’un bouchon », précise-t-il. Les fréquences à cibler avec ce type de concept ont posé un autre défi : « Puisque l’effet d’occlusion est proéminent en dessous de 1000 hertz, il est difficile de trouver des solutions peu encombrantes, qui occupent un petit volume », poursuit-il.

Néanmoins, le concept de métamatériau sélectionné répond à tous les critères et permet d’influencer les propriétés acoustiques de la surface interne du bouchon inséré dans le conduit auditif. « Nous utilisons le principe d’absorption parfaite à large bande dans le but de réduire la charge acoustique. Cela diminue la pression acoustique rayonnée par la paroi vibrante du conduit auditif, ce qui réduit l’effet d’occlusion », mentionne Kévin Carillo.

La création des métabouchons

Les métabouchons sont fabriqués à l’aide de l’impression 3D, soit plus précisément par stéréolithographie (SLA). Pour l’heure, la forme de ces protections auditives s’adapte à un conduit auditif cylindrique simplifié. Des matériaux biocompatibles devront y être intégrés pour mener des tests avec des sujets humains. Les prototypes de Kévin Carillo ont été fabriqués au laboratoire ICAR de l’École de technologie supérieure (ÉTS) et de l’IRSST avant de passer à une phase d’essai sur des têtes et des oreilles artificielles. Les résultats obtenus ont confirmé la réduction d’effet d’occlusion attendue.

Petit train va loin

La bourse que Kévin Carillo a obtenue lui permettra de poursuivre sa recherche dans un domaine qui le passionne et de tester son prototype sur des sujets humains en l’adaptant à leur conduit auditif. Dans une perspective de cinq ans, il souhaite pouvoir appliquer cette solution en industrie et ainsi faire émerger de nouveaux produits.

Il perçoit sa bourse comme une reconnaissance de la communauté scientifique de sa spécialité. « Cela confirme la pertinence de travailler sur ces problématiques. Je suis heureux d’avoir été choisi pour faire avancer la recherche dans ce milieu. C’est une belle preuve de confiance », indique-t-il.

Un parcours couronné de succès

Kévin Carillo a d’abord terminé ses études en génie mécanique à l’Institut supérieur de l’automobile et des transports (ISAT), en France, puis a choisi Montréal comme ville de prédilection pour faire son stage de fin d’études, en 2016. Ses directeurs de recherche, Olivier Doutres de l’ÉTS et Franck Sgard de l’IRSST, l’ont alors encouragé à poursuivre un doctorat, qu’il a complété à l’École de technologie supérieure (ÉTS) en 2021. Depuis qu’il a terminé sa thèse, Kévin Carillo a obtenu un contrat postdoctoral en partenariat avec l’ÉTS, l’IRSST et l’Université du Mans (France), des établissements dans lesquels il poursuit ses recherches.

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