Les différentes durées d’indemnisation selon le sexe et l’âge
Par Maude Dionne
14 août 2019
La durée moyenne d’indemnisation des lésions professionnelles ayant occasionné une perte de temps indemnisée (PTI) a presque doublé en 15 ans, jusqu’à atteindre 101 jours en 2012. C’est ce que révèlent les indicateurs statistiques de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST).
Cette étude avait pour objectif d’identifier les principaux facteurs liés aux écarts de la durée moyenne d’indemnisation observés selon le sexe ou l’âge, ainsi que ceux qui sont associés à leur allongement pour la période de 2005 à 2012. Les analyses ont pris plusieurs facteurs en compte, soit autant les caractéristiques de la lésion que celles du travailleur et de son environnement de travail, telles que la taille de l’entreprise et le type d’industrie.
Méthodologie
L’ensemble des lésions professionnelles déclarées à la CNESST, reconnues et acceptées, ont été analysées. L’analyse porte sur les lésions professionnelles avec perte de temps indemnisée, puisqu’il s’agit d’une bonne mesure de leur gravité. Plusieurs facteurs ont ensuite été choisis pour conduire les analyses statistiques.
Facteurs retenus pour les analyses
- Catégorie de dossier : accident du travail ou maladie professionnelle
- Indicateur de lésion attribuable à un trouble musculosquelettique (TMS)
- Catégorie professionnelle : manuel, mixte ou non manuel
- Existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (AP IPP)
- Présence d’une somme positive de débours de réadaptation
- Taille de l’employeur : PME, grande entreprise ou inconnue
- Reconnaissance et acceptation d’une lésion par la CNESST au cours des cinq années précédentes
- Présence d’une somme positive de débours d’indemnité de remplacement du revenu après consolidation-réparation (IRR-AP)ou en frais d’assistance médicale (FRAM)
- Siège de la lésion
- Nature de la lésion
- Genre d’accident ou d’exposition
- Agent causal de la lésion
- Industrie du dossier d’expérience auquel le travailleur est rattaché
- Année d’apparition de la lésion
Les principaux résultats
Au cours de la période de 2005 à 2012 étudiée, 76 % des 105 400 lésions professionnelles reconnues et acceptées par la CNESST ont occasionné une perte de temps indemnisée. La moitié de ces cas sont survenus chez les 35 à 54 ans et concernent majoritairement des hommes (69 % des lésions acceptées et 68 % de celles qui ont occasionné une PTI). La durée moyenne d’indemnisation des 55 ans ou plus est la plus élevée, avec 137 jours, soit bien plus que celle des 35 à 54 ans, avec 105 jours.
Le principal facteur associé à la durée d’indemnisation des lésions professionnelles occasionnant une PTI est la réadaptation, laquelle explique 56 % de la durée moyenne. C’est chez les 55 ans ou plus que l’on note la plus grande proportion (11 %) de lésions comportant des débours en réadaptation, avec une durée moyenne d’indemnisation de 690 jours. Professionnel scientifique à l’IRSST et auteur principal de l’étude, Alexandre Boucher s’attendait à observer d’importantes incidences liées à ce facteur. Le second facteur relevé est la présence de débours d’indemnité de remplacement du revenu (IRR) en raison de l’absence d’un emploi convenable. « J’ai été étonné que ce facteur explique seulement 6 % de la variance de la durée d’indemnisation », mentionne-t-il.
Les résultats démontrent que les écarts de la durée moyenne d’indemnisation selon le sexe et l’âge s’expliquent majoritairement par la répartition relative des lésions qui occasionnent une PTI. Il serait pertinent d’en observer l’évolution sur plusieurs années par rapport à certains facteurs, dont les caractéristiques des lésions et celles de la main-d’oeuvre, estiment les auteurs du rapport. Au moins la moitié de l’allongement des durées moyennes observé de 2005 à 2012 serait attribuable au paiement de soins de réadaptation. On constate que la durée moyenne de ces cas a diminué de 72 jours au cours de cette période, ce qui a modéré la hausse de la moyenne d’indemnisation : « De 2005 à 2012, la proportion relative de lésions avec PTI comportant des débours de réadaptation a augmenté, passant de 6,7 % à 9,5 %, affectant ainsi à la hausse la durée moyenne d’indemnisation de l’ensemble des lésions avec PTI. Par contre, une durée moyenne d’indemnisation des lésions ayant des débours de réadaptation plus faible en 2012 qu’en 2005 vient atténuer la hausse », précise Alexandre Boucher.
Le calcul des durées moyennes d’indemnisation standardisées constitue une bonne stratégie pour contrôler l’effet que peut avoir la différence de répartition relative sur leur mesure. Ainsi, l’écart moyen d’indemnisation de 92 jours entre les 15 à 24 et les 55 ans ou plus est réduit à 19 jours lorsque des valeurs standardisées sont utilisées. « Le fait de considérer les durées standardisées a été un moyen d’évaluer les écarts entre les sexes et les groupes d’âge, en réduisant l’impact de la variable réadaptation », soutient l’auteur principal du rapport.
Conclusion
La réadaptation a donc été reconnue comme étant le principal facteur ayant une influence sur les durées moyennes d’indemnisation. « Ce résultat est important puisqu’il montre que les écarts de la durée moyenne d’indemnisation ne sont pas attribuables directement au sexe ou à l’âge, mais davantage à une répartition des lésions selon divers facteurs qui diffèrent selon le sexe ou l’âge », conclut Alexandre Boucher.
Pour en savoir plus
BOUCHER, Alexandre, Patrice Duguay, Marc-Antoine Busque. Analyse des différences de durées d’indemnisation selon le sexe et le groupe d’âge, R-1046, 124 pages.