Modification réglementaire
La sécurité des machines à l’avant-plan
Par Karolane Landry
26 Décembre 2023
Photo : Vadim Ratnikov/Shutterstock.com
La section XXI – Machines du Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) n’avait fait l’objet d’aucune révision depuis son adoption, en 2001, à l’exception de la sous-section sur le cadenassage. Sa terminologie et ses exigences se sont ainsi retrouvées dépassées par rapport à la normalisation canadienne et internationale applicable aux machines. C’est l’une des raisons ayant motivé les modifications apportées à cette section, qui sont entrées en vigueur le 27 juillet 2023 et dont Ramdane Djedid, conseiller-expert en prévention-inspection à la CNESST, nous dévoile les grandes lignes.
La section XXI – Machines établit les exigences de sécurité relatives à la conception, à la fabrication, à l’utilisation, à la modification, à l’entretien et à la réparation des machines en service dans un établissement ou destinées à l’être. « Durant les vingt dernières années, les normes en sécurité des machines ont beaucoup évolué pour s’adapter aux transformations des milieux industriels », nous dit d’emblée Ramdane Djedid. « Nous devions donc impérativement discuter d’une mise à jour réglementaire. »
Confiance, technologie et évolution
Après toutes ces années, la terminologie et les exigences de la section XXI – Machines n’étaient plus en harmonie avec celles de la normalisation, ce qui rendait son application difficile. « Les normes applicables aux machines constituent la référence qui permet aux intervenants en sécurité des machines de parler le même langage, explique M. Djedid. Avant les modifications réglementaires ayant eu lieu en juillet 2023, plusieurs dispositions exigeaient beaucoup d’interprétation, ce qui créait de la confusion et engendrait des difficultés d’application. Par exemple, dans le RSST, il était question de protecteur muni d’un dispositif d’interverrouillage afin de décrire un protecteur qui empêche un phénomène dangereux sur une machine lorsqu’il est ouvert. Or, dans les normes, on parle plutôt de protecteur muni d’un dispositif de verrouillage. Ainsi, quand les fabricants consultaient les normes et le règlement pour concevoir leur machine, ils ne s’y retrouvaient pas nécessairement. Ils n’avaient pas la certitude qu’on parlait des mêmes choses », ajoute le conseiller-expert.
Les machines comprennent de plus en plus d’éléments technologiques pour assurer la sécurité des travailleuses et des travailleurs. Ces derniers doivent pouvoir faire confiance aux dispositifs qui assurent leur sécurité. « Cet enjeu que constitue la fiabilité des systèmes de commande relatifs à la sécurité n’était pas explicitement abordé dans le règlement avant la modification, dit M. Djedid. On voulait donc mettre en lumière le fait qu’il y a des normes qui codifient et encadrent la fiabilité des systèmes de commande. On ne peut pas se baser sur une simple intuition pour affirmer que les technologies assurent une protection suffisante. Le fabricant devrait être capable de dire jusqu’à quel point on peut faire confiance à son système pour assurer la sécurité des travailleuses et des travailleurs. »
D’ailleurs, certaines dispositions du RSST proviennent d’anciennes normes applicables à des machines précises. « Ces normes ont évolué avec la transformation des milieux industriels, mais le règlement n’a pas suivi. C’est une des raisons qui ont motivé ce projet », ajoute l’expert.
Des modifications et des objectifs
Cette mise à jour réglementaire vise ultimement à permettre aux travailleuses et aux travailleurs d’utiliser des machines sécuritaires. Ainsi, une nouvelle disposition prévoyant la conformité d’une machine incite les employeurs à utiliser des machines conçues et fabriquées selon des normes précises. « C’est l’un des pivots du projet de modification réglementaire, précise M. Djedid. Ça nous permettra de rendre les machines plus sécuritaires en responsabilisant tous les intervenants, ce qui sera bénéfique autant pour les employeurs que pour les fabricants. L’idée est d’enrayer le problème des machines dangereuses à la source. »
De plus, toute machine destinée à être mise en service dans un établissement doit désormais être accompagnée d’un manuel d’instruction du fabricant. Si ce manuel est inexistant ou incomplet, il doit être élaboré ou complété par une ingénieure ou un ingénieur. Par ailleurs, le nouveau règlement prescrit que certaines modifications sur les machines ayant une incidence sur la sécurité des travailleuses et des travailleurs doivent aussi être supervisées par une ingénieure ou un ingénieur. « Il importe de souligner que cette exigence se trouve déjà dans la Loi sur les ingénieurs. Or, des modifications sont souvent effectuées sans qu’une ingénieure ou un ingénieur soit impliqué. Par exemple, dans les dernières années, une planteuse artisanale modifiée a mené à un accident mortel », raconte l’expert. Ainsi, il faut retenir que la nouvelle disposition balisant l’implication de l’ingénieure ou de l’ingénieur ne constitue pas une nouvelle obligation en soi, mais met en lumière une exigence mal connue de la Loi sur les ingénieurs.
En ce qui a trait aux mesures de prévention, plusieurs dispositions ont été modifiées. L’un des points centraux de ces dispositions est le nouvel article 177, qui prescrit un logigramme décisionnel pour le choix des moyens de protection appropriés en considérant la hiérarchie des mesures de prévention des risques. Une fois les moyens de protection choisis, il importe de veiller à ce que leurs caractéristiques et leur installation respectent les règles de l’art. « Par exemple, si vous avez un protecteur de meule abrasif, dit Ramdane Djedid, il est crucial qu’il puisse résister en cas d’éclatement de la meule. Les attributs des moyens de protection constituent donc un enjeu important pour garantir leur efficacité. » D’autres articles ajoutés traitent de la fiabilité des systèmes de commande de la machine relativement à la sécurité, de la mise en marche et de l’arrêt, des systèmes de production intégrés, des modes de commande, etc.
Puisqu’il n’est pas toujours possible d’éliminer complètement les risques, il importe de les contrôler. De nouveaux articles prescrivent donc les mesures entourant le contrôle des risques. Ils concernent notamment les méthodes de travail, la formation, les avertissements, la supervision et les équipements de protection individuelle.
Pour en savoir plus
Consultez la Gazette officielle du 12 juillet 2023 sur le site Web des Publications du Québec.