L’eau comme milieu de travail
Par Valérie Levée
28 octobre 2019
Quand ils se déroulent sur terre, les métiers de la construction figurent déjà au palmarès des métiers dangereux. Imaginez lorsqu’ils s’exercent sous l’eau : les risques s’accentuent ! En fait, dès que l’eau devient un milieu de travail, les risques augmentent d’un cran, que ce soit pour le policier, le scientifique, le photographe ou le travailleur de la construction.
En 2010, le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) s’est étoffé d’une nouvelle section encadrant spécifiquement les travaux en plongée. Panorama de métiers hors du commun et des mesures de sécurité qui les encadrent.
Parfois, les scientifiques se mettent à l’eau pour prélever divers échantillons de sédiments, faire des inventaires biologiques, ou même explorer des vestiges archéologiques. Ils le font en plongée autonome avec leur réserve de gaz respirable sur le dos. Même s’ils ne sont pas chercheurs, ce sont aussi des plongeurs dits « scientifiques », qui sont à l’oeuvre dans les bassins des aquariums. Les policiers sont eux aussi amenés à plonger pour rechercher le corps d’une personne noyée, une voiture, une arme ou divers indices propres à l’enquête.
Et au cinéma, quand une scène se déroule sous l’eau, il a bien fallu que des cinéastes se mouillent ! « En construction, tout ce qui se fait hors de l’eau, on le fait aussi sous l’eau. Le coffrage, le béton, l’électricité, la soudure… », décrit Nicolas Dufort, président de la Fraternité des scaphandriers du Québec.
Les travaux de construction se font en plongée non autonome : le scaphandrier est alimenté en gaz respirable par un ombilical relié à la surface. Plus qu’une alimentation en air, l’ombilical est constitué d’une part d’un faisceau de câbles contenant le fil pour les communications, la caméra et la lumière, et d’autre part d’un boyau d’eau chaude pour chauffer l’habit de plongée et du boyau d’alimentation en gaz respirable, le tout étant tressé et attaché au harnais du scaphandrier.
« Le casque et notre équipement doivent être vus comme notre moyen de transport pour aller sur notre lieu de travail », dépeint Nicolas Dufort. Ils sont quelque 125 scaphandriers, y compris une poignée de scaphandrières, à travailler sur les chantiers de construction à travers le Québec. « On intervient sur des quais, les barrages des centrales hydroélectriques, les émissaires de municipalités ou d’industries, les bassins de rétention. Sur les bateaux, on fait du nettoyage, des réparations de coques, d’hélices, de gouvernails », énumère Nicolas Dufort. « On travaille sur les socles en béton, des pylônes, sur les piles des ponts, dans les bassins de décantation des papetières, dans les sorties d’eau des usines de traitement des eaux », ajoute Jean-Michel Houdet, le conseiller syndical à la Centrale des syndicats démocratiques.
Travaux dangereux en milieu dangereux
« Les accidents qui arrivent sur les chantiers de construction en surface peuvent aussi se produire sous l’eau », prévient Serge Lavoie, enseignant en plongée professionnelle à l’Institut maritime du Québec (IMQ). Or, les conditions du milieu et l’équipement demandent une vigilance additionnelle.
Quand le scaphandrier manipule des outils coupants, il doit faire attention à lui-même, mais aussi à son ombilical. Quand l’opérateur d’une grue descend du matériel sous l’eau, il ne voit pas le plongeur et risque de le heurter. En plus de se caractériser par des tâches dangereuses, le milieu comporte son lot de risques.
Dans l’eau froide, il y a risque d’hypothermie, et le scaphandrier qui prend froid perd sa dextérité manuelle et sa concentration, ce qui compromet une remontée rapide et sécuritaire en cas d’urgence. En hiver, les glaces en mouvement peuvent coincer l’ombilical et bloquer l’alimentation en gaz respirable.
Même en l’absence de glace, « le courant génère une fatigue corporelle, car le scaphandrier doit lutter contre celui-ci », indique Marc-André Désy, président et propriétaire d’Expertech Marine, une entreprise spécialisée dans les travaux d’inspection, de maintenance et de construction de structures ainsi que dans l’inspection et la réparation de bateaux.
Parfois, une faille dans le lit de la rivière ou un défaut d’étanchéité sur la structure d’un barrage crée un phénomène d’aspiration si puissant que le scaphandrier ne parvient pas à s’en extirper seul. D’autres fois, les scaphandriers travaillent sans visibilité. « Un jour, lors du renflouage d’une épave, il y avait des hydrocarbures et la visibilité était nulle, même avec une lumière. Il fallait étudier les plans du bateau avant de plonger et suivre la tuyauterie pour se diriger », raconte Nicolas Dufort.
La contamination par des polluants chimiques ou bactériologiques est un autre risque auquel les scaphandriers font face. « Si on plonge dans une conduite d’égout, il y a des règles à respecter en sortant pour laver l’équipement », indique Jean-Michel Houdet. Le plongeur doit donc partager son attention entre les risques qui l’entourent et sa tâche. « En plongée, l’environnement trotte dans la tête du plongeur et affecte l’attention qu’il accorde à sa tâche. En surface, c’est différent », compare Marc-André Désy.
Cependant, la plongée scientifique présente moins de risques. « La plupart des plongées se font à moins de 10 mètres de profondeur et en cas de mauvaise météo, c’est plus facile d’annuler comparativement à un chantier de construction, où il y a un échéancier à respecter », compare Paul Boissinot, président de la Fédération québécoise des activités subaquatiques. Le danger vient notamment du fait qu’en plongée autonome, la quantité d’air est limitée et les plongeurs absorbés par la tâche peuvent oublier de vérifier leur réserve d’air.
Des risques pour la santé
Indépendamment des « risques du métier », la plongée présente des risques pour la santé, car en descendant en profondeur, le plongeur subit l’augmentation de la pression de la colonne d’eau au-dessus de lui. La pression à l’intérieur des oreilles et des poumons doit être en équilibre avec la pression ambiante, qui devient plus élevée, sinon il y a risque de barotraumatisme. « La pression de l’eau pousse le tympan vers l’intérieur et le plongeur doit envoyer de l’air de la gorge vers l’oreille moyenne par la trompe d’Eustache pour équilibrer la pression de part et d’autre du tympan. S’il n’y parvient pas parce qu’il est enrhumé, par exemple, ça crée un phénomène de ventouse qui tire le tympan vers l’intérieur, ce qui peut engendrer de sérieux dommages à celui-ci, allant jusqu’à sa perforation », explique Dominique Buteau, médecin chef du Service de médecine hyperbare et directeur médical du Centre de médecine de plongée du Québec (CMPQ).
Inversement, quand le plongeur remonte, la pression diminue et l’air contenu dans les poumons prend de l’expansion. Mais, si les bronches du plongeur sont rétrécies pour cause d’asthme, l’air en expansion sera retenu dans les poumons, et exercera ainsi une pression sur les alvéoles. « S’il y a des ruptures d’alvéoles, des bulles d’air vont passer dans les artères et se loger dans le cerveau, avec un risque d’atteinte neurologique. Et si l’air s’échappe entre le poumon et la plèvre, il y a risque de pneumothorax avec un affaissement du poumon », poursuit Dominique Buteau.
Le cauchemar d’un scaphandrier demeure cependant l’accident de décompression, relève Jean-Michel Houdet. La pression de l’air que respire le plongeur est ajustée à celle de la profondeur atteinte et cet air contient de l’azote, qui se dissout dans les tissus du plongeur. Quand le plongeur remonte et que la pression diminue, « le gaz qui était dissous passe à l’état de petites bulles dans le sang, qui peuvent obstruer la circulation sanguine et créer l’équivalent d’un accident vasculaire cérébral et entraîner divers symptômes neurologiques et articulaires », explique Dominique Buteau.
« C’est pour remonter le plongeur de façon sécuritaire avec des temps d’arrêt qui dépendent de la profondeur atteinte et du temps passé sous l’eau que les tables de décompression ont été créées », précise Jocelyn Boisvert, coordonnateur du CMPQ et responsable de la sécurité hyperbare à l’Hôtel-Dieu de Lévis. Les tables offrent plusieurs options de décompression pour réduire la durée des paliers et améliorer le confort du plongeur dans l’eau froide. La décompression peut se faire à l’oxygène plutôt qu’à l’air. Les poumons étant alors remplis d’oxygène, ceci accélère l’élimination de l’azote et réduit les risques d’accident de décompression.
Le plongeur peut aussi commencer la décompression sous l’eau et la finir dans un caisson hyperbare. « Trop d’oxygène peut être toxique et provoquer des convulsions et divers malaises », nuance Dominique Buteau. Dans tous les cas, « même si un plongeur respecte les étapes de décompression, il n’est pas à l’abri d’un accident de décompression », prévient Serge Lavoie. « Les tables sont établies à partir des valeurs physiologiques d’une population de plongeurs, mais l’absorption et l’élimination de l’azote varient d’un individu à l’autre », confirme Dominique Buteau. C’est pour cela que les plongeurs doivent surveiller pendant 24 heures d’éventuels symptômes de décompression.
Évolution réglementaire
Pendant des années, malgré tous ces risques, la plongée professionnelle bénéficiait d’une réglementation minimaliste. « La seule réglementation était dans le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC)&nbps;», mentionne Fatim Diallo, conseillère en préventioninspection à la CNESST. «&nbps;Il y avait la norme CSA Z275, mais rien pour assurer son application, et les articles du CSTC étaient très vagues&nbps;», estime Marc-André Désy. Par manque de formation, des plongeurs récréatifs s’improvisaient plongeurs professionnels et inventaient des procédures de travail. «&nbps;N’importe qui pouvait faire n’importe quoi, rapporte Serge Lavoie. Il pouvait y avoir deux plongeurs sous l’eau et personne pour s’occuper des ombilicaux en surface. Ce n’était pas sécuritaire et il y avait des accidents&nbps;».
De fait, «&nbps;entre 1982 et 2001, il y a eu 11 décès de plongeurs en milieu de travail, un taux 20 fois supérieur à celui de l’ensemble du secteur de la construction&nbps;», précise Fatim Diallo. Ce constat, doublé des nombreux accidents en plongée récréative, a conduit à une enquête publique menée par le coroner Denis Boudrias, et son rapport a mis en évidence les lacunes sur la formation et les compétences des plongeurs. Il recommandait que la réglementation réfère à la norme CSA Z275.2 sur les Règles de sécurité pour les travailleurs en plongée et à la norme CSA Z275.4 sur les compétences pour les opérations de plongée.
«&nbps;En 1997, un groupe de travail a été mis sur pied avec des représentants de tous les milieux, des associations syndicales et patronales du secteur de la construction, mais aussi hors de la construction, des services de police et de grandes entreprises spécialisées en plongée&nbps;», relate Fatim Diallo.
Après plus de 10 ans de travaux, en 2010, la section XXVI.I et ses 91 articles s’est insérée dans le RSST pour encadrer spécifiquement tous les travaux effectués en plongée, qu’il s’agisse de production audiovisuelle, de plongée policière, scientifique, de construction ou autres. Même si le RSST s’applique généralement aux établissements, l’article 2 sur le champ d’application stipule bien que la section XXVI.I s’applique aux chantiers de construction, explique Fatim Diallo.
La plongée policière est toutefois exemptée de quelques articles, et notamment de l’obligation de plonger en mode non autonome dans certaines situations. La plongée scientifique bénéficie aussi d’un régime particulier, avec le choix de suivre les dispositions du RSST ou la norme de l’Association canadienne des sciences subaquatiques (ACSS), à condition d’en être membre.
« On peut suivre la norme de l’ACSS parce qu’on plonge dans des milieux contrôlés ou dans des profondeurs minimes et qu’on n’utilise pas des outils de soudure ou de découpage qui peuvent mettre notre vie en danger. Les membres de l’ACSS ont réalisé plus d’un million de plongées et il n’y a eu aucun accident », justifie Paul Boissinot. La norme de l’ACSS suit cependant de près le RSST.
Qui sont les plongeurs professionnels aujourd’hui ?
La réglementation établit que le plongeur doit avoir au moins 18 ans et être en bonne santé. Il doit remplir un questionnaire et se conformer à des examens des oreilles, du coeur et des poumons, et faire des prises de sang. Tout doit être assuré par un médecin spécialisé en médecine de plongée. « On regarde si la personne est à risque de développer des barotraumatismes ou de faire un accident de décompression. On vérifie sa condition physique et cardiaque parce que si un plongeur a un problème cardiaque sous l’eau, c’est plus dramatique qu’en surface », détaille Dominique Buteau. Paul Boissinot assure que les plongeurs scientifiques sont assujettis aux mêmes exigences médicales. Plus question de s’improviser plongeur professionnel ; les plongeurs doivent être formés conformément aux normes CSA Z275.4 ou Z275.5 sur la formation des plongeurs professionnels.
« Au Québec, pour respecter ces normes, les plongeurs doivent détenir l’attestation d’études collégiales en plongée professionnelle, qui se donne à l’IMQ », précise Jean-Michel Houdet. Elle porte sur l’utilisation des équipements de plongée, les tables de décompression, mais aussi sur l’adaptation des travaux de construction sous l’eau. « On travaille le bois pour faire des coffrages, le coulage du béton, la découpe et la soudure de l’acier », illustre Serge Lavoie. Les plongeurs policiers sont toutefois formés à l’École nationale de police du Québec, à Nicolet, et il faut être policier avant de suivre la formation. Les plongeurs scientifiques, quant à eux, sont formés à Explos-Nature, un organisme situé à Les Bergeronnes, qui se consacre notamment à la recherche en science biologique. « Le cours dure cinq jours, à raison de dix heures par jour. On voit la théorie, l’habileté des gens dans l’eau, on fait des tests d’endurance dans l’eau, on apprend comment remonter un corps et faire les premiers soins », décrit Paul Boissinot, qui donne la formation depuis quatorze ans.
Les plongeurs en équipe
Un plongeur ne travaille pas tout seul, mais plutôt en équipe. Celle-ci est composée minimalement de trois personnes, qui se partagent les fonctions de plongeur, assistant du plongeur, de plongeur de soutien et de chef de plongée, des rôles bien définis dans le RSST. Ainsi, l’assistant s’occupe de l’ombilical et descend les outils au plongeur, le plongeur de soutien est celui qui porte secours à son collègue sous l’eau en cas de problème et le chef d’équipe planifie les travaux et veille à leur bon déroulement. « Le chef de plongée reste le même toute la journée, mais les autres rôles s’alternent », précise Nicolas Dufort. Le travailleur qui remonte de la plongée du matin informe ses collègues sur les conditions, de sorte que le plongeur qui descendra en après-midi ne sera pas en terrain inconnu. « L’esprit d’équipe est important et comme entrepreneur, ce n’est pas moi qui forme les équipes de plongeurs. Je préfère que le chef d’équipe construise son équipe en fonction du travail à effectuer et des affinités entre collègues », commente Marc-André Désy.
Certaines situations peuvent exiger des plongeurs supplémentaires. Par exemple, l’équipe monte à quatre pour une plongée sous la glace, à cinq pour une plongée profonde et à six pour une plongée dans un milieu à obstacles. Selon la norme de l’ACSS, une équipe de plongeurs scientifiques est également constituée de trois plongeurs, dont un adjoint de sécurité en surface et deux plongeurs sous l’eau, et les plongées sont supervisées par le plongeur en chef. Dans l’équipe, le chef de plongée joue un rôle primordial et pour l’assumer, il doit cumuler au minimum 100 plongées et 1 000 heures d’expérience de plongée. Ses tâches sont bien précisées dans le RSST et incluent la vérification de la conformité et du bon fonctionnement des équipements et des installations de plongée. « En surface, il faut deux sources d’alimentation : une principale et une auxiliaire en cas de défaillance de la principale.
Le plongeur porte aussi sur lui un appareil respiratoire de sauvetage en cas d’accident avec l’ombilical. Il est déjà arrivé lors de la démolition d’un quai que les palplanches tombent sur l’ombilical du plongeur. Nous avons dû descendre et apporter une bouteille au plongeur pour le remonter en surface », raconte Serge Lavoie. « La prise d’air de l’alimentation ne doit pas être sous le vent du compresseur pour éviter que les gaz d’échappement qui contiennent du monoxyde de carbone ne contaminent le gaz respiratoire », ajoute Jocelyn Boisvert. C’est aussi au chef de plongée d’établir le plan de plongée et d’en informer l’équipe. « Par contre, le chef de plongée doit obtenir l’adhésion de l’ensemble de l’équipe pour valider le plan », insiste Jean-Michel Houdet.
Des accidents qu’on ne veut plus voir
Les accidents de plongée sont synonymes de noyades dans d’horribles circonstances. Quelques exemples :
- Une scaphandrière qui inspectait la paroi d’un barrage a été aspirée par l’appel d’eau à l’entrée d’une caverne sous-marine.
- Près d’un barrage, un plongeur s’affairait à localiser une benne qu’une grue devait soulever quand il a été emporté par le courant.
- Un autre plongeur descendait inspecter le canal d’évacuation d’une turbine à hélice. Il était retenu par une corde, mais celle-ci a été aspirée par la turbine, qui n’était pas cadenassée.
- Un autre, entraîné par une sortie d’eau d’un barrage, a chuté et une valve de son équipement s’est brisée. La valve n’était pas conforme et le plongeur ne travaillait pas à l’endroit prévu, de sorte que les lieux n’avaient pas été inspectés.
- Un autre est mort après avoir aspiré ses vomissures. Il venait de prendre un repas copieux, ne plongeait pas avec son ombilical depuis deux ans et n’était pas retenu par une corde de sécurité.
- Un plongeur de la sécurité civile s’est aussi fait emporter par les courants de turbulence près d’un barrage.
Tous ces exemples illustrent l’improvisation et le manque de préparation des plongées avant la révision de la réglementation.
Un plan de plongée est essentiel
Le plan de plongée doit préciser le site du chantier, décrire les travaux à effectuer, les rôles des membres de l’équipe, le déroulement de la plongée, le protocole de décompression et recenser les risques présents. « La plongée implique de travailler sous l’eau, donc on ne peut pas éliminer les dangers à la source, mais on peut les contrôler », indique Fatim Diallo. « On évalue les contraintes présentes comme le courant, les glaces en mouvement, la visibilité, et au besoin, on installe un déflecteur pour réduire le courant ou détourner les glaces ou on descend une lumière supplémentaire », illustre Marc-André Désy. Si les travaux se déroulent dans un port, il faut avertir les autorités et s’assurer que des bateaux ne s’approchent pas de la zone de travail, délimitée par des drapeaux. « Les hélices des bateaux provoquent des courants qui peuvent projeter le plongeur ou emmêler son ombilical, précise Nicolas Dufort. Et si on travaille sur un navire ou une centrale hydroélectrique, il faut appliquer des méthodes de cadenassage pour s’assurer que l’hélice ne tourne pas et pour bloquer des prises d’eau qui pourraient aspirer le plongeur. » « Partir sous l’eau, c’est comme partir dans l’espace, il faut tout vérifier avant », compare Jean-Michel Houdet.
Enfin, le plan de plongée contient le plan d’urgence précisant les coordonnées des services médicaux et le transport pour évacuer un plongeur accidenté. Il contient notamment le numéro de la ligne d’urgence du CMPQ. « La ligne d’urgence est joignable par téléphone et courriel et il y a toujours un médecin bilingue en ligne », assure Jocelyn Boisvert. Aussi, si la plongée est effectuée sous les 40 mètres, le chef de plongée doit mettre un caisson hyperbare à disposition sur le chantier et ajouter à l’équipe de plongée deux opérateurs de caisson dûment formés. « L’opérateur de caisson est formé pour manipuler le caisson, mais aussi pour accompagner le plongeur dans le caisson. Il agit comme un aide-soignant et il est en communication avec un médecin à l’extérieur », explique Nicolas Dufort, qui donne la formation à l’IMQ. « L’opérateur de caisson a une formation pour faire des examens physiques et neurologiques. Le médecin reçoit l’information et indique à l’opérateur quel traitement apporter au plongeur. C’est un acte médical délégué à l’opérateur, qui devient les yeux et les mains du médecin à distance », poursuit Dominique Buteau. Si la condition du plongeur ne se stabilise pas, il sera transporté vers l’hôpital le plus proche, puis évacué vers le centre hyperbare de Lévis ou de Montréal. En plongée scientifique, la norme de l’ACSS requiert pareillement d’établir un plan de l’opération de plongée, y compris un plan d’urgence avec les numéros de l’hôpital le plus proche et du CMPQ.
Registres, journal et carnet
À chaque échelon hiérarchique, un cahier doit être rempli pour faire le suivi des plongées et assurer l’entretien des équipements. Ainsi, il incombe à l’employeur de tenir un registre d’entretien du matériel. Le chef de plongée doit remplir le registre des plongées consignant comment les travaux se sont déroulés. Le plongeur doit tenir un journal du plongeur incluant notamment son attestation de formation, son certificat médical et les plongées effectuées. Cela fait partie de ses obligations, de même que d’informer le chef de plongée de tout état de santé qui pourrait le rendre inapte à la plongée. Le plongeur scientifique doit aussi remplir un carnet d’annotation de plongées, et c’est lui qui est responsable d’entretenir son équipement annuellement. « Chaque plongeur doit fournir les preuves que son cylindre respecte les normes, que le détendeur a été inspecté par une entreprise qualifiée », illustre Paul Boissinot.
Des équipements plus sécuritaires
Parallèlement à la réglementation, les équipements se sont également améliorés. « Avant, il n’y avait pas de lumière et pas de système de communication, rappelle Serge Lavoie. De la surface, tout ce qu’on voyait du scaphandrier était des bulles qui remontaient ». Maintenant, le plongeur dispose de lumières DEL pour s’éclairer. Un micro et des écouteurs le maintiennent en communication constante avec la surface et une caméra transmet les images en temps réel au chef de plongée. « Tout ce matériel améliore grandement la sécurité du plongeur, parce que le chef de plongée l’entend et voit son comportement. Si la respiration est saccadée ou si les gestes trahissent une fatigue, il peut lui dire de remonter », explique Marc-André Désy. Dès que la communication cesse, le plongeur doit sortir de l’eau ou être sorti de l’eau par ses collègues.
L’habit à eau chaude est une autre amélioration majeure de l’équipement. « Quand on plonge plus de 90 minutes dans une eau à moins de 5 degrés, le Règlement demande de porter un habit à eau chaude. C’est une révolution des conditions de travail », estime Nicolas Dufort. Les casques qui étaient auparavant en fibre de verre avec d’éventuelles pertes d’étanchéité dues au vieillissement du matériau sont maintenant en acier inoxydable.
Une réglementation plus stricte et des équipements plus sécuritaires ont sans doute porté fruit, car comme le constate Fatim Diallo, « il n’y a eu aucun décès au travail résultant d’un accident de plongée depuis 2011 ».