« J’vais te tuer ! »
Comment soutenir adéquatement des collègues de la protection de la jeunesse
Bousculades, menaces, crises de larmes et bris de confiance : les intervenants en protection de la jeunesse font face à une violence extrême qui a de nombreuses conséquences, pouvant aller jusqu’à un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. Sur la ligne de front, ce sont souvent les collègues qui accueillent en premier les témoignages de ces travailleurs ébranlés. Comment les aider à se soutenir entre eux ?
Boursière de l’IRSST, Gabrielle Lebrun concentre sa maîtrise en psychoéducation à l’Université de Montréal sur un aspect précis du soutien psychologique, soit celui qu’apportent directement les collègues et les superviseurs à la suite d’un événement potentiellement traumatique. Cette recherche fait partie d’une autre, plus large, également soutenue par l’IRSST, portant sur la violence au travail. « Lors de mon stage de criminologie, j’ai constaté que les personnes avec qui je parlais avaient presque toutes déjà connu un arrêt de travail, de l’épuisement professionnel ou étaient au bout de leurs ressources, explique l’étudiante. J’ai contacté mon ancien professeur pour savoir si c’était normal dans ce milieu. » Voyant son intérêt, Steve Geoffrion, qui enseigne au Département de psychoéducation de l’Université de Montréal, lui a proposé de se joindre à son équipe de recherche.
Des violences aux conséquences nombreuses
En protection de la jeunesse, on trouve des agents de relations humaines qui évaluent les demandes de services et les signalements retenus, puis suivent des familles, qui ne sont pas toujours réceptives. Les centres de réadaptation, où des jeunes vivent 24 heures sur 24, comptent aussi des éducateurs qui sont exposés à des problèmes d’agressivité, de gestion de la colère et de contrôle des émotions. Ces intervenants se font régulièrement insulter, crier dessus et parfois même frapper ou cracher à la figure. Dans l’immédiat, ils peuvent pleurer, trembler ou vouloir quitter les lieux. Dans les jours qui suivent, on peut constater chez eux une hypervigilance, de l’anxiété, de l’irritabilité, de l’impatience, le tout souvent accompagné d’un fort sentiment de culpabilité et d’une remise en question. Contrairement aux idées reçues, la réaction émotionnelle n’est pas proportionnelle à la « gravité objective » d’un événement. Par exemple, une personne frappée au ventre pourrait réagir moins fortement qu’une autre qui s’est fait menacer.
Entre compréhension et banalisation
Entre collègues, se comprendre mutuellement peut aider, mais il y a aussi une forte tendance à banaliser la violence. C’est perçu comme « faisant partie de la job ». Il devient alors difficile de dire que ça ne va plus et qu’on a besoin d’aide. Dans son mémoire de maîtrise, après avoir mené un grand nombre d’entrevues qualitatives, Gabrielle Lebrun en présentera 30 de façon détaillée, en donnant des exemples précis d’interventions pertinentes ou, au contraire, nuisibles. Elle espère ainsi pouvoir synthétiser des recommandations pour diriger les réactions des collègues à la suite d’un événement traumatique, afin qu’ils puissent offrir le meilleur soutien aux victimes.
Gabrielle Lebrun
Les travaux de Gabrielle Lebrun traitent de la violence au travail, de la santé psychologique des employés et des meilleures pratiques de prise en charge des victimes de violence ou d’événements traumatiques au travail. C’est un mandat du Centre d’étude sur le trauma qui lui a donné le goût de travailler directement avec les intervenants et les employés. Après avoir complété un baccalauréat en criminologie à l’Université de Montréal, elle y termine présentement une maîtrise en psychoéducation (2016-2019), sous la direction de Steve Geoffrion. En parallèle, elle prépare une seconde maîtrise en développement organisationnel à HEC Montréal (2019-2020), soit sur l’aspect humain des organisations. Elle travaille aussi depuis plus de cinq ans pour l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel.
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