Il n’y a pas de fumée sans risques
Par Maxime Bilodeau
15 Décembre 2020
Un groupe de chercheurs de l’IRSST a cerné l’influence des divers paramètres de soudage à l’arc électrique sur les concentrations de fumées et leurs composantes métalliques, réputées nocives pour la santé.
Souder à l’arc électrique est une activité courante dans plusieurs secteurs industriels au Québec, comme ceux de la métallurgie et de la construction. Emploi-Québec estimait d’ailleurs le nombre de soudeurs à 24 000 en 2016. Les divers procédés de soudage utilisés ne sont toutefois pas sans risques pour les travailleurs : ils génèrent des fumées et gaz qui, selon leur nature, peuvent endommager le système nerveux central et causer des maladies bronchopulmonaires. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) reconnaît ces fumées de soudage comme cancérogènes avérées pour l’homme depuis 2017. Les activités de soudages peuvent générer des dépassements des valeurs d’exposition admissible de plusieurs contaminants cancérogènes qu’établit le Règlement sur la santé et sécurité du travail (RSST).
« Les mesures de prévention utilisées pour réduire l’exposition, comme la ventilation et le port d’équipement de protection individuelle, ne permettent pas de protéger adéquatement les travailleurs dans plusieurs situations », constate Philippe Sarazin, chercheur à l’IRSST. À la demande de l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail des secteurs du métal, de l’électricité, de l’habillement et de l’imprimerie (ASP MultiPrévention), ce spécialiste de l’expologie et ses collaborateurs se sont intéressés aux différents paramètres du soudage à l’arc électrique pour établir leur apport relatif à cette problématique.
Des données parcellaires
Les chercheurs ont répertorié 21 paramètres différents, dont les types d’électrodes utilisés, leur constitution métallique et leur diamètre, de même que la composition des gaz de protection durant le soudage. Ils ont recensé près de 1 800 références dans la littérature scientifique et en ont retenu 47 aux fins de l’étude. Fait intéressant : 43 d’entre elles ont trait à des résultats obtenus dans des conditions expérimentales contrôlées, soit en laboratoire. « Il est donc difficile de cerner l’influence réelle des environnements de travail sur les quantités de fumées générées. Des études terrain devront être menées pour bien évaluer l’influence des paramètres de soudage les plus prometteurs », souligne Philippe Sarazin. Au final, les chercheurs ont pu statuer sur l’effet respectif de quelques-uns des paramètres étudiés. Par exemple, ils ont constaté que le soudage à l’arc avec électrode enrobée est celui qui génère le plus de fumée, tandis que le soudage à l’arc en atmosphère inerte avec électrode de tungstène est celui qui en génère le moins. « Une grande proportion de dioxyde de carbone dans le mélange de gaz de protection, l’utilisation d’une électrode de plus grand diamètre ainsi que l’augmentation de la tension et de l’intensité du courant entraînent toutes une plus grande génération de fumées », énumère le chercheur.
Quant aux caractéristiques des fumées de soudage, comme la taille des particules et leur composition métallique, il n’a pas été possible de statuer de manière concluante sur l’influence des paramètres à la lumière des données disponibles dans la littérature scientifique. « On constate que bien que plusieurs études mesurent l’effet de paramètres de soudage sur le contenu des fumées, les particularités propres à chacune d’elles empêchent de tirer des conclusions claires. Il y a un manque de connaissances flagrant à ce chapitre », indique Philippe Sarazin. Une recherche conjointe de l’IRSST et du Département de santé environnementale et santé au travail de l’Université de Montréal devrait permettre de jeter un nouvel éclairage sur le sujet. « Un de ses objectifs sera d’évaluer l’impact de nouveaux types d’électrodes de soudage, avec fil fourré de poudres métalliques, sur les émissions de fumées générées et leur composition métallique », conclut le chercheur.
Pour en savoir plus
SARAZIN, Philippe, Bouchra BAKHIYI, Martine LÉVESQUE, Caroline GODIN, Joseph ZAYED. Influence des paramètres de soudage à l’arc électrique sur les concentrations de fumées et leurs composantes métalliques : état des connaissances, R-1085, 87 pages.