Les Grands Prix de la CNESST 2024 : la créativité au service de l’innovation

Chaque année, les Grands Prix de la CNESST sont une occasion de mettre en lumière les réussites en normes du travail, en équité salariale et en santé et sécurité du travail (SST). Ces prix sont remis aux personnes et aux organisations du Québec qui se sont démarquées sur le plan de la prévention au sein de leur milieu de travail. Voici la liste des lauréates et des lauréats nationaux de cette année, qui, par leur vision et leur engagement, nous inspirent à innover à notre tour.

Mirley Menezes Garcia a transformé la culture de l’entreprise, forte de ses 20 ans d’expérience en milieu manufacturier, de son parcours international et de ses connaissances multidisciplinaires en droit, en intégration des travailleuses et travailleurs étrangers, en gestion, en SST et en ressources humaines. Son sens de l’empathie et son jugement hors pair lui ont permis de défendre les intérêts des employées et employés avec brio. De plus, cette leader intègre et ambitieuse a su réunir et motiver les gestionnaires de l’entreprise afin qu’ils et elles poursuivent un but commun, soit le bien-être physique et mental des travailleurs et des travailleuses, tout en assurant la viabilité de la compagnie. À l’avant-garde, elle a notamment sensibilisé tout le personnel au sujet de la violence conjugale.

Parmi les nombreuses réalisations de Mirley Menezes Garcia, notons l’implantation de la méthode des 5S, qui a transformé l’usine – qui était un lieu sombre et désordonné – en un espace épuré et organisé. La directrice a aussi mis en place un comité SST et rendu le programme d’aide aux employés accessible à tout le monde. Elle a également classé les produits dangereux entreposés à l’usine par le biais d’une analyse poussée des produits chimiques à risque. Enfin, elle a lutté pour une amélioration des salaires afin d’éliminer les écarts entre les différentes classes de production.

Antoine Zuchoski, diplômé du Cégep de Sherbrooke en électrodynamique, travaille chez Domtar depuis 23 ans. Il a été élu par ses pairs en 2014 comme représentant syndical des employés en SST. Rassembleur, intègre et empathique de nature, il s’assure de bien écouter les employés et employées et de les impliquer dans la démarche de prévention. Ce leader, reconnu autant par les gestionnaires que par les travailleuses et les travailleurs, a un sens aiguisé de l’analyse des situations à risque.

M. Zuchoski est activement engagé dans les différentes initiatives en prévention et dans les ateliers d’amélioration continue. Au cours du processus de recherche de solutions, il s’assure toujours que les préoccupations des travailleuses et travailleurs soient prises en compte. Il a aussi participé aux démarches pour trouver de nouveaux équipements de protection individuelle.

De plus, M. Zuchoski participe à la création de vidéos sur le thème de la SST afin de sensibiliser les membres du personnel et d’assurer la formation des nouveaux travailleurs et travailleuses sur les procédures liées à la SST. Cela a notamment pour but d’éviter les blessures musculosquelettiques. Il accorde aussi une grande importance à la prévention des risques psychosociaux et des maladies professionnelles. Il inspire les travailleuses et travailleurs de l’usine qui ont envie de suivre son exemple afin de faire évoluer la culture SST du milieu.

Le premier objectif de l’Observatoire de la formation professionnelle du Québec (OFPQ), basé à Sherbrooke, est de soutenir les enseignantes et enseignants de la formation professionnelle (FP). Créé en 2019, l’OFPQ s’appuie sur la collaboration universités-milieux et regroupe 20 comités de projets, notamment le comité Santé, sécurité et bien-être. L’observatoire a comme but de développer un milieu éducationnel sain et sécuritaire et de promouvoir la santé, la sécurité et le bien-être du personnel de la FP.

En cherchant un moyen de diffuser et de partager avec les acteurs du milieu l’expertise, les connaissances et les outils issus de la recherche, le comité a eu l’idée de créer un journal interactif. Le projet, qui a été dirigé par le responsable du comité, Robin Castonguay, a été lancé en novembre 2022. Depuis, des efforts sont déployés pour bonifier le journal interactif et garder les ressources à jour grâce à l’intervention de nombreux contributeurs et contributrices du réseau de la FP, notamment des étudiants et étudiantes universitaires. D’ailleurs, le journal est mis de l’avant par plusieurs universités : il offre un libre accès à une foule de ressources de qualité, validées par des experts et expertes de l’éducation ou du milieu de la SST.

L’école secondaire des Bâtisseurs compte parmi sa clientèle des élèves ayant un handicap ou des difficultés d’apprentissage ou d’adaptation. Certains de ces jeunes peuvent représenter un risque de violence pour les intervenantes et intervenants scolaires. On a donc jugé qu’il était impératif de doter ces derniers d’outils pour une meilleure prise en charge en amont afin de prévenir les risques d’événements violents. L’objectif de ce projet était de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychologique des travailleuses, des travailleurs ainsi que des élèves. Aujourd’hui, l’école secondaire des Bâtisseurs sert de modèle à d’autres établissements.

En effet, on a procédé à la création de grilles de prévention active, qui permettent de constater la gradation des mauvais comportements d’un ou d’une élève et d’y attribuer des interventions spécifiques. La direction générale a soutenu l’ensemble des gestionnaires impliqués dans le projet. Le Centre de services scolaire De La Jonquière a fait de la SST une priorité organisationnelle et se dévoue à la conception d’outils de prévention, d’intervention et de post-intervention, qui sont déployés dans tous ses établissements.

Les poussières qui sont aspirées lors des travaux de l’entreprise tombaient auparavant dans un bac. Les équipiers devaient régulièrement vider ce bac, dont le poids pouvait atteindre 70 kg, dans un conteneur. Ce processus représentait des risques de blessures musculosquelettiques et de contusions à la tête. La recherche de solutions industrielles à ce problème avait jusqu’ici mené à des options trop onéreuses ou peu fiables.

Finalement, une solution a été trouvée : un nouveau système d’extraction des poussières, inspiré par ceux utilisés dans les silos à céréales, a été installé. L’ergonomie du processus de vidage a immédiatement été améliorée, et les risques de blessures et de fatigue ont connu une réduction considérable. Cette installation serait à la portée de toutes les petites et moyennes entreprises (PME), et ce, à un coût relativement faible.

Auparavant, les travailleuses et les travailleurs devaient grimper dans une remorque à bascule afin de remplir une brouette mécanique. Le pelletage s’effectuait dans des positions astreignantes et inconfortables, ce qui impliquait des efforts physiques en hauteur sur une surface instable et molle. Les risques de chutes, de blessures au dos et d’épuisement liés à ce remplissage manuel étaient donc élevés.

Pour remédier au problème, l’équipe a conçu et construit une unité mobile multifonctionnelle complète. Un double convoyeur hydraulique interne permet maintenant aux travailleuses et aux travailleurs de remplir la brouette mécanique à l’aide d’une manette. Selon l’entreprise, cette innovation a augmenté la capacité de production de 300 % et réduit les coûts de 25 %. De plus, l’unité mobile fait preuve d’une grande polyvalence, car elle peut être utilisée dans les milieux où l’on transporte des matières en vrac.

Produire des moulures à partir de métal en feuilles nécessitait autrefois de déplacer et de déposer les feuilles sur une cisaille industrielle afin de les couper en bandes, selon les besoins du client. Le travailleur ou la travailleuse devait alors sortir la feuille du support, la transporter et la soulever à bout de bras pour la déposer sur la cisaille. Cette manœuvre pouvait se répéter plusieurs fois au cours d’une journée, et elle représentait un risque important de blessures au dos et aux épaules. Une table de soulèvement à bascule sur roulettes pour les feuilles de tôle a donc été conçue par l’équipe, permettant de réaliser la manœuvre sans risques en éliminant les efforts physiques excessifs. Comme la table s’ajuste facilement, on peut aussi soulever d’autres types de matériaux, ce qui est utile dans différents secteurs manufacturiers.

Lors de certaines procédures, les travailleuses et les travailleurs devaient plier des pièces à l’aide d’une plieuse numérique. Ces pièces étaient ensuite transportées dans une cellule de soudure. Or, elles dépassaient de chaque côté du chariot, ce qui provoquait des risques d’accrochage et de collision, surtout vu l’espace de travail restreint. Il y avait effectivement un risque d’être heurté par une pièce lors du chargement et du déchargement du matériel, ou lors de sa chute.

Face à cet enjeu, les travailleurs et travailleuses ont conçu une méthode de manutention sécuritaire des pièces au poste de pliage, c’est-à-dire un rail vertical pour disposer les pièces de métal et les transférer. Celles-ci peuvent désormais être entreposées de façon sécuritaire sans empiéter sur l’espace de travail, ce qui réduit à zéro les risques d’accrochage et améliore l’ergonomie. On constate aussi que la productivité et la gestion des stocks ont été améliorées. Cette innovation peut être adoptée partout où l’on procède à du transport de manutention.

Lors de l’usage d’un démêleur à pièces de bois, il arrive fréquemment que les pièces se coincent dans les chaînes. Dans une telle situation, une désynchronisation des chaînes peut avoir lieu, ce qui est d’ailleurs commun dans une usine à sciage. Auparavant, le mécanicien devait intervenir pour resynchroniser les chaînes. Cette intervention comportait toutefois la mise en place de plusieurs mesures préventives, dont du cadenassage. Ainsi, la création d’un outil pour resynchroniser les chaînes du démêleur a changé la donne. L’équipe mécanique peut maintenant intervenir de façon plus rapide et moins risquée en cas de désynchronisation, à partir d’une passerelle et sans user de force physique. Le système est simple d’utilisation et peut s’appliquer à tous les équipements similaires dans d’autres milieux de travail.

La remise à neuf des pistons de freins d’éolienne est une opération de soudure exigeant précision et efficacité. Toutefois, la réparation en atelier apporte son lot de risques en SST : poussière, fumée, incendie, électrocution, brûlures et blessures. Avec la remise à neuf de plusieurs centaines de pistons par année, il a été conclu que les moyens de protection habituels ne protégeaient pas suffisamment les travailleuses et les travailleurs. Une station de soudure automatique et sécuritaire a donc été inventée par l’équipe. Le piston est placé dans une enceinte fermée où la soudure est réalisée, ce qui élimine les risques à la source. La conception de cette station a nécessité beaucoup de recherches et de discussions avec des spécialistes en soudure, mais l’atelier est maintenant un environnement plus sécuritaire et agréable.

En période estivale, huit employés et employées de la Ville effectuaient le rinçage du réseau d’aqueduc. Pour cela, ils et elles devaient récupérer des outils à l’arrière de leur camionnette, qui se trouvait en bordure de la voie publique. Cette situation était toutefois dangereuse pour une travailleuse ou un travailleur, car elle présentait un risque que son véhicule soit embouti par un autre. Le rinçage s’effectuait en plus avec un boyau sous pression, qui n’était ni attaché ni fixé. Cette manœuvre propulsait un jet d’eau à très haute pression dans la rue, rendant la chaussée glissante. Enfin, les travailleuses et travailleurs risquaient d’être frappés par les boyaux, qui peuvent créer un mouvement de fouet.

Devant ces dangers perçus à la fois pour le personnel et pour les citoyens et citoyennes, l’équipe a procédé à une modification importante des véhicules de service affectés au rinçage du réseau d’aqueduc. Ainsi, elle a produit des paniers diffuseurs qui s’attachent à l’avant des camionnettes. La boîte en métal a un double fond, qui contient tous les outils nécessaires à l’opération de rinçage. La conduite est quant à elle attachée au panier diffuseur afin d’empêcher les mouvements de fouet dus à la pression de l’eau. De plus, un système permet à l’eau de s’écouler seulement sous la camionnette, et l’ensemble du travail peut se faire à l’avant du véhicule. Un tel système peut également être utilisé dans d’autres villes.

Sur les lieux d’un incendie, on doit alimenter la pompe avec une source d’eau. Celle-ci peut provenir d’un lac, d’une piscine ou d’une borne-fontaine à proximité. L’opératrice ou l’opérateur doit réaliser des séquences d’engagement et d’amorçage de la pompe, pour ensuite envoyer l’eau dans les tuyaux. Il faut donc au minimum un pompier par lanceur pour manœuvrer les tuyaux chargés de manipuler cette eau sous haute pression. Cette opération est très risquée pour les pompiers, pouvant occasionner des blessures, surtout lors de la formation des apprentis.

Face aux risques inhérents à cette opération, l’équipe a cherché de l’équipement plus sécuritaire du côté des autres services d’incendie, sans succès. C’est ainsi qu’elle a eu l’idée de concevoir des supports de lances avec l’aide d’un soudeur. Ce nouvel équipement élimine les risques d’accidents lors de manipulations impliquant des lances en fonction. On y a aussi ajouté des manomètres afin de connaître la pression d’eau à la sortie des lances. Cette innovation améliore la santé et la sécurité du personnel, tout en bonifiant la qualité de la formation.

Sur le campus de l’École de technologie supérieure (ETS), diverses batteries au lithium ionique polymère (LiPo) sont utilisées au quotidien. En raison de leur chimie particulière et de la composition de leur enveloppe, elles sont sujettes à l’emballement thermique. Les incendies causés par ces batteries sont très difficiles à éteindre, en plus de générer des fumées toxiques.

Puisque les feux causés par de tels emballements sont communs, une procédure a été élaborée pour encadrer l’usage des batteries LiPo. Ainsi, des armoires adaptées pour leur entreposage et leur recharge sécuritaire ont été conçues à l’ETS. Ces armoires, toutes situées au même endroit, surveillées par des caméras et maintenues sous clé, facilitent l’inspection de l’état des batteries et permettent de contenir les incendies, le cas échéant. Un système de ventilation séparé a aussi été installé pour diriger la fumée. De plus, les armoires sont munies d’un système de détection de la chaleur permettant de relâcher du sable pour étouffer le feu.