Gérer l’exposition des pompières et des pompiers aux substances toxiques

Par Paul Therrien

6 février 2024

Photo : Sylvain Ryan, APM

Par leur altruisme et leur volonté d’assurer la sécurité des autres, les pompières et les pompiers sont considérés comme de véritables héros. Le mois de janvier est d’ailleurs officiellement consacré à la sensibilisation au cancer chez les pompières et les pompiers. Afin qu’ils puissent se décontaminer adéquatement des produits dangereux et réduire leurs risques de cancer, la CNESST publie une nouvelle version du Guide des bonnes pratiques pour l’entretien des vêtements de protection pour la lutte contre les incendies. Pour en savoir plus à ce sujet, nous avons discuté avec Marie-Josée Caron, conseillère experte en prévention-inspection à la CNESST, et Pascal Gagnon, conseiller en santé et sécurité au travail à l’Association paritaire pour la santé et la sécurité au travail, secteur Affaires municipales (APSAM).

Les pompières et les pompiers peuvent être appelés à intervenir dans de nombreux environnements, souvent lors de situations de crise. « Le métier de pompier, on le connaît principalement pour la lutte contre les incendies de bâtiments, explique Marie-Josée Caron. Mais les pompières et les pompiers sont aussi les premiers répondants lors d’un accident de la route, par exemple, alors qu’ils prêtent main-forte à la population, souvent avant l’arrivée des autres services d’urgence. » Il est pratiquement impossible d’énumérer tous les risques auxquels s’exposent les pompières et les pompiers au cours de leur carrière. Heureusement, ils disposent de la formation et de l’équipement de protection nécessaire pour affronter les pires menaces. Or, il n’y a pas de risque zéro. Des accidents du travail, comme un affaissement de structure, peuvent toujours survenir. Même munis de leurs habits de combat et de leurs appareils de protection respiratoire, les pompières et les pompiers peuvent quand même être exposés à des substances cancérigènes qui se trouvent dans les gaz et les fumées toxiques. En effet, lorsque certaines substances ou particules fines pénètrent la peau ou sont absorbées par inhalation, cela peut affecter la santé à long terme.

Au cours des dix dernières années, la CNESST a indemnisé 124 pompières et pompiers atteints d’un cancer en lien avec leur profession. Selon les statistiques récentes, 4 personnes sur 10, dans la population générale, recevront un diagnostic de cancer au cours de leur vie. Chez les pompières et les pompiers, le risque d’avoir un cancer est de 9 % supérieur, selon une étude réalisée en 2015 par la Société canadienne du cancer. Grâce à la recherche scientifique internationale et aux nouvelles connaissances qu’elle génère, la prévention s’est grandement améliorée au cours de la dernière décennie. De nouvelles mesures de prévention sont mises en place afin d’accroître la protection individuelle et de réduire l’exposition des pompières et des pompiers aux contaminants.

Changer les mentalités

L’époque où le bois était le principal matériau qui brûlait durant un incendie est bel et bien révolue. On retrouve, dans les constructions modernes, beaucoup de produits à base de dérivés de pétrole et la combustion de ces matériaux inflammables augmente la toxicité de la fumée. En conséquence, les pompières et les pompiers sont exposés à plus de substances cancérigènes qu’auparavant. « Il y a un changement de culture au Québec, et c’est en grande partie grâce au travail remarquable de l’Association des pompiers de Montréal pour faire reconnaître le haut risque de développer certains types de cancers en lien avec le métier de pompier », affirme Pascal Gagnon, qui est lui-même pompier. « En 2016, il y a eu une grande campagne menée par différents acteurs du milieu pour sensibiliser les pompières et les pompiers à cette question, poursuit-il. L’objectif était de changer les mentalités à l’égard de la présence de ces contaminants dans les incendies modernes. Il fallait faire comprendre aux pompiers que les interventions d’urgence sont plus critiques qu’on pourrait l’imaginer. » C’est donc en 2016 que la CNESST a publié son Guide des bonnes pratiques pour l’entretien des vêtements de protection pour la lutte contre les incendies. Il dicte les mesures de prévention à mettre en place afin que les pompières et les pompiers se décontaminent adéquatement après une intervention. Il est d’ailleurs à noter que ce guide, qui vise la prévention des maladies oncologiques chez les pompières et les pompiers, a été mis à jour en ce mois national de sensibilisation du cancer chez les pompières et les pompiers.

Des ajustements nécessaires

Il fut un temps où le pompier pouvait ressentir une certaine fierté en enfilant son « habit de combat » et en voyant sa peau noircie par une bataille remportée contre les flammes. « On croyait que, plus le pompier était sale, plus il avait travaillé fort, mais nous ne sommes plus là; il faut veiller à tout décontaminer rapidement après chaque intervention », précise Marie-Josée Caron. Ainsi, le guide de la CNESST destiné aux pompières et pompiers insiste sur l’importance de procéder à la décontamination et de retirer rapidement son équipement de protection. « On doit effectuer un nettoyage sur le lieu même de l’incendie, retirer ses équipements de protection et nettoyer la peau exposée, dit la conseillère experte en prévention-inspection à la CNESST. À la caserne, il faut rapidement prendre une douche et enfiler des vêtements propres. »

Les pompières et les pompiers doivent, bien sûr, porter leur appareil de protection respiratoire lorsqu’ils entrent dans un bâtiment en feu ou emboucané, mais ce n’est pas le seul moment durant lequel cela doit être fait. En effet, la recherche indique qu’il y a un risque d’exposition à des contaminants en périphérie d’un incendie ou lors des opérations de déblai, après que les dernières flammes ont été éteintes. « Lors de ces opérations, la pompière ou le pompier peut être exposé à des gaz, à de la fumée et à des poussières qui peuvent causer une intoxication. » Et Pascal Gagnon précise que cela a été scientifiquement démontré : « À partir du moment où une personne entre dans un bâtiment en présence de fumées, il est déjà trop tard. Elle aura 5,5 fois plus d’hydrocarbures aromatiques polycycliques dans ses urines qu’une autre personne. Il s’agit d’un marqueur qui indique que le pompier a absorbé des contaminants. Il y a donc des pratiques à revoir, et le métier est en pleine évolution. On peut d’ailleurs se poser la question à savoir s’il est pertinent d’envoyer des pompières et des pompiers dans une maison pour combattre un incendie lorsqu’aucune vie n’est en danger et de les exposer à une maladie professionnelle. »

De la sensibilisation

Personne n’est mieux placé pour faire passer à des pompières et des pompiers les messages en lien avec la prévention que des pompières et des pompiers d’expérience et retraités. C’est pourquoi, dans le cadre du mois de la sensibilisation, des capsules vidéo dans lesquelles des pompiers témoignent ont été produites. « Plusieurs pompiers québécois affectés par un cancer reconnu par la CNESST ont tenu à témoigner sur l’importance de la prévention, indique Pascal Gagnon. Pompier, c’est un métier très altruiste. Malheureusement, les pompières et les pompiers sont souvent prêts à mettre de côté leurs propres intérêts pour aider leur prochain de façon instinctive. En ce moment, on se bat donc contre les tueurs silencieux. » Et pour bien se protéger contre les maladies professionnelles associées à ce métier, rappelle-t-il, les pompières et les pompiers doivent aussi veiller à maintenir une saine hygiène de vie. « Il faut être en bonne forme physique pour pratiquer ce métier. »

Les héros des petites municipalités

Au Québec, il y a environ 500 services de sécurité incendie qui desservent des populations de 5000 habitants et moins. Ces femmes et ces hommes ont eu la formation de base pour combattre un incendie, mais, comme il s’agit bien souvent dans leur cas d’un second emploi, certains n’ont peut-être pas eu toute l’information dont ils ont besoin pour se protéger. « Les pompiers à temps partiel n’ont pas l’occasion de suivre autant de formation que les pompiers à temps plein, s’inquiète Pascal Gagnon. Pourtant, ils ont à affronter les mêmes défis. Puisqu’ils ont deux emplois, les pompiers à temps partiel délaissent parfois certains aspects de la formation, comme le maintien des compétences. »

La nouvelle version du guide de la CNESST ainsi que les capsules vidéo mises à la disposition des pompières et des pompiers sont des outils qui peuvent les aider à limiter leur exposition à des contaminants dangereux.

Le Québec compte plus de 700 services municipaux de sécurité incendie et plus de 25 000 pompières et pompiers, dont plus de 10 000 pompiers à temps partiel, selon le dernier recensement des effectifs en 2012.

Le guide des bonnes pratiques

Disponible depuis janvier 2024, le guide de la CNESST destiné aux intervenantes et aux intervenants de la lutte contre les incendies du Québec vise principalement la prévention des maladies oncologiques. Il regroupe les principales recommandations de la Fire and Emergency Manufacturers and Services Association. Il est basé sur la norme NFPA 1851 et la norme NFPA 1500. Ces recommandations représentent les règles de l’art en matière de sécurité incendie.

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