Faciliter la détection de l’exposition aux moisissures au travail
Par Laurie Noreau
3 mai 2019
La qualité de l’air intérieur de certains milieux de travail demeure une problématique d’actualité. Les moisissures et leurs composés sont des contaminants auxquels les travailleurs peuvent être exposés et qui peuvent occasionner divers problèmes de santé (allergies aiguës, asthme, sinusites et rhinites, maux de tête, irritations ou inflammations). Toutefois, démontrer qu’un lieu de travail est effectivement contaminé par ces microorganismes indésirables n’est pas une mince tâche.
« L’exposition aux moisissures provoque des symptômes semblables à ceux des personnes allergiques. Il faut alors trouver la source de la contamination. Celle-ci se trouve-t-elle en milieu de travail ou à la maison? », questionne Sami Haddad, biochimiste et professeur titulaire au Département de santé environnementale et santé au travail de l’Université de Montréal. Actuellement, une approche utilisée pour le déterminer consiste à faire des prélèvements d’air directement dans le milieu de travail pour établir la présence ou non de moisissures. Cette méthode peut être longue et coûteuse et nécessite du personnel expérimenté.
Pourquoi alors ne pas envisager une méthode alternative, soit la mesure des composés organiques volatils microbiens (COVM)? Ceux-ci se répandent dans l’air et constituent des marqueurs de la présence de champignons incommodants. De plus, certains d’entre eux ont la propriété de s’accumuler dans le corps humain. Une équipe de recherche financée par l’IRSST a donc évalué la possibilité de détecter la présence de ces composés organiques volatils dans le sang et l’urine des travailleurs plutôt que dans l’air.
« On pense que cette technique pourrait combler les lacunes de l’approche actuelle », explique Sami Haddad, qui a participé à l’étude de faisabilité. En effet, nul besoin pour les scientifiques de se présenter sur les lieux de travail. Les employés pourraient se rendre à un centre de prélèvement avant et après leur quart de travail pour fournir un échantillon biologique. L’analyse se déroulerait le jour même.
Sélection rigoureuse
Une revue de la littérature permettant de documenter le sujet et d’évaluer la pertinence de cette approche a été réalisée. Des 548 COVM étudiés, il en ressort qu’une vingtaine présentent un potentiel intéressant pour une approche de biosurveillance.
Ces composés permettent-ils de faire une estimation de l’ampleur de la contamination fongique du milieu de travail? « La prochaine étape est de développer une méthode pour les mesurer et vérifier si ces 20 substances permettent effectivement de détecter l’exposition des travailleurs aux moisissures », explique le professeur Haddad.
Méthode complémentaire
Sans être une solution de remplacement de l’échantillonnage de l’air, cette nouvelle technique constituerait un outil additionnel et beaucoup plus rapide pour donner un indice de la contamination d’un lieu de travail. Ensuite, si une contamination est détectée, l’approche classique d’évaluation fongique de l’air entrerait alors en jeu. « On ne pourrait pas identifier le type de moisissures présentes à partir des composés que nous avons sélectionnés. L’approche par prélèvement d’air permet plus de précision », ajoute le biochimiste.
Un enjeu se dresse toutefois : pour une même moisissure, la nature et la concentration des composés organiques diffèrent selon le substrat et les conditions d’humidité et de température. « C’est un des défis à relever », remarque Sami Haddad. À mesure que cette approche de biosurveillance tendra à se raffiner, il n’est pas exclu que d’autres composés s’ajoutent à la liste afin de mieux refléter la nature des moisissures sur les lieux de travail.
Pour en savoir plus
EL AROUSSI, Badr, Geneviève MARCHAND, Simon AUBIN, Michèle BOUCHARD, Sami HADDAD. Utilisation des composés organiques volatils microbiens comme biomarqueurs de l’exposition aux moisissures en milieu de travail • Étude de faisabilité, R-1037, 63 pages.