En route vers des robots collaboratifs plus sécuritaires

Par KAROLANE LANDRY

16 janvier 2024

Image : IRSST

Dans diverses industries, les robots collaboratifs font équipe avec les travailleurs et les travailleuses depuis maintenant une quinzaine d’années. C’est pourquoi Alexandre St-Jean, lauréat d’une bourse de l’IRSST en 2023, a entrepris avec son équipe de mettre au point un manipulateur robotisé collaboratif sécuritaire performant, fonctionnant au moyen d’actionneurs magnétorhéologiques dans le secteur manufacturier. Cap sur cette solution très prometteuse !

Parlez-nous de votre parcours

Alexandre St-Jean J’ai commencé mon baccalauréat en génie mécanique à l’Université de Sherbrooke en 2013. J’ai fait beaucoup de stages dans le domaine de la robotique et c’est vraiment à ce moment que j’ai trouvé une passion. J’ai réalisé un de mes stages en recherche dans le milieu universitaire. J’ai donc pu combiner recherche et robotique, et c’est ce qui m’a mené aux cycles supérieurs.

Qu’est-ce qu’un robot collaboratif ?

A.S-J. Les bras des robots les plus utilisés en industrie possèdent souvent six joints qui permettent de positionner des objets dans l’espace, essentiellement comme un humain. Ils sont destinés a être utilisés à proximité des travailleuses et travailleurs pour assister ou collaborer à certaines tâches. Dans une usine, il est possible de voir une opératrice ou un opérateur et un robot travailler en même temps sur une pièce… Actuellement, pour rendre les robots collaboratifs sécuritaires, on réduit radicalement leur vitesse de fonctionnement, ou on ajoute de l’instrumentation, comme des capteurs laser ou des caméras. Ainsi, on s’assure que lorsque le robot fonctionne rapidement, il ne peut pas interférer avec l’humain. On peut aussi ralentir son mouvement pour garantir un certain niveau de sécurité, mais cela limite la productivité des chaînes de production.

Les exigences de sécurité pour les systèmes de robots collaboratifs industriels sont notamment spécifiées dans la norme ISO/TS 15066, qui complète les exigences et les lignes directrices sur leur fonctionnement données dans l’ISO 10218. On y prescrit notamment les seuils acceptables de force en cas de collision, selon la partie du corps humain exposée. C’est cette norme qui guide le calcul des vitesses maximales auxquelles les robots peuvent interagir sans constituer un danger pour les travailleurs et travailleuses.

En quoi consiste votre recherche ?

A.S-J. Le robot industriel collaboratif le plus populaire sur le marché actuellement est le UR5e. Le cœur de ma recherche a été de démontrer qu’en utilisant des embrayages magnétorhéologiques dans ses actionneurs, il est possible de rendre les robots intrinsèquement plus sécuritaires pour interagir avec l’humain. La propriété du fluide magnétorhéologique est de changer sa viscosité quand on lui applique un champ magnétique.

En intégrant ce fluide dans un embrayage et en faisant varier sa viscosité, il est possible d’appliquer de la force pour déplacer les membrures du robot. On peut donc gérer la force que l’on transmet rapidement et avec un degré de finesse impossible à obtenir avec les actionneurs plus conventionnels des robots. L’utilisation de ce type d’embrayage permet aussi de réduire considérablement la masse reflétée de l’actionneur, ce qui produit des niveaux de force beaucoup moins élevés en cas de collision pour une vitesse donnée.

Le deuxième volet de ma recherche vise à démontrer comment utiliser ces actionneurs et leur propriété de découpler l’inertie du moteur. Ainsi, en découplant l’inertie du moteur, les membrures du robot deviennent plus sensibles aux forces externes qui surviennent lors d’un impact. On peut donc détecter les collisions plus facilement en observant le mouvement des membrures du robot et réagir plus rapidement pour réduire les forces d’impact en cas de collision entre un humain et un robot. Bref, on démontre qu’on est capables d’obtenir la vitesse des robots standards en ayant le niveau de sécurité des robots collaboratifs. On vise le meilleur des deux mondes !

En parallèle avec cette recherche, en partenariat avec l’entreprise Exonetik, à Sherbrooke, on applique la technologie des embrayages magnétorhéologiques à des applications concrètes où les robots fonctionnent à proximité des humains, comme pour faire de la récolte de fruits dans des serres ou de la découpe de viande automatisée dans des abattoirs. Nous remplaçons ou aidons les humains à faire ces tâches très répétitives, dans des environnements parfois difficiles, où travaillent d’autres opérateurs et opératrices, tout en réduisant le niveau de risque.

Quels sont les résultats de cette recherche ?

A.S-J. J’ai démontré qu’il est possible d’augmenter la vitesse d’exécution d’un robot pour une même force d’impact ou de conserver la même vitesse et de réduire la force d’impact. Simplement en modifiant les actionneurs du robot, il est possible de produire deux à trois fois moins de force lors d’un impact à la même vitesse. On peut donc nettement réduire les accidents du travail liés à la robotique, surtout en cas de collision. D’ailleurs, les cas les plus typiques d’accidents en industrie surviennent lorsqu’un robot heurte un humain et le coince contre un mur ou une pièce. En ayant des actionneurs plus sécuritaires dotés d‘algorithmes de détection de collision rapide, on peut retirer le contact et être vraiment plus sécuritaire. En modifiant la mécanique, on vise à éliminer le risque d’accident à la source.

Pourquoi cette recherche est-elle unique au Québec ?

A.S-J. Dans le domaine de la robotique, la dualité vitesse et sécurité est très présente. Il y a des robots qui vont vraiment lentement et sont sécuritaires, et des robots qui vont vite et peuvent être dangereux. Notre particularité est de joindre ces deux univers. Il y a un écart technologique entre ces deux variables et notre recherche vise à le combler. Cela pourrait permettre d’étendre l’utilisation de la robotique dans beaucoup de domaines qui ne sont pas automatisés actuellement.

Qu’est-ce qui vous attend dans les prochains mois ?

A.S-J. Nous développons actuellement les fondements scientifiques pour concevoir ces robots sécuritaires. Nous sommes à l’étape d’améliorer les technologies de détection de collision et nous estimons qu’il serait possible prochainement d’aller dix fois plus rapidement avec la même sécurité. Il me reste quelques expérimentations à faire sur le contrôle, la détection et les réactions aux impacts avec des robots à six degrés de liberté. Puisque je suis à ma dernière année de doctorat, je suis en processus de publication de mes résultats dans des journaux scientifiques. À suivre !

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