Éboueurs et travailleurs de centres de tri : métiers risqués

Par Valérie Levée

5 juin 2020

Été 2020, vol. 33/2

À Montréal, sur la rue Charon, le 4 février 2020, un automobiliste percute un éboueur, qui se retrouve coincé entre une camionnette et le camion à ordures. L’éboueur, blessé sérieusement, est conduit à l’hôpital, mais heureusement, sa vie n’est pas en danger. Malheureusement, toutefois, d’autres accidents ont été mortels. Les dangers auxquels font face les éboueurs sont multiples, allant des contraintes thermiques aux produits chimiques, en passant par les pièces en mouvement. Autre scène, à Drummondville, en août 2017 : dans un centre de tri, en effectuant une opération de déblocage d’une presse, un travailleur est mort écrasé. Les métiers de la collecte et du tri des déchets sont assurément dangereux.

Nos ordures ménagères et matières recyclables laissées sur le pas de la porte sont, pour la plupart d’entre nous, vite oubliées. Bon débarras, nous disons-nous, sans penser aux multiples personnes qui vont les manipuler directement ou indirectement. À commencer bien sûr par l’éboueur, ou plus exactement l’aide-éboueur, qui porte les déchets à la trémie du camion et actionne le compacteur de la benne. Il est vrai que certains camions sont équipés de bras latéraux pour saisir les bacs à déchets et les verser dans le camion sans l’intervention d’un aide-éboueur. Ces camions sont pourvus d’un poste de conduite à droite et le conducteur a la double tâche de mener son véhicule de bac en bac et d’actionner le bras. Plus discrètes, les brigades de propreté de Montréal sillonnent les rues pour ramasser les déchets et balayer les trottoirs. Or, les déchets ne sont pas toujours de simples bouts de papier. Si les ordures ménagères se rendent au site d’enfouissement, les matières recyclables vont pour leur part au centre de tri, où elles sont déversées en tas avant d’être chargées sur un convoyeur pour être triées. Les centres de tri sont très souvent construits sur deux étages, le tri se faisant au deuxième étage. Placés le long du convoyeur, des travailleurs sont affectés à des matières particulières, qu’ils prélèvent et envoient à l’étage inférieur par des chutes à matières recyclables situées autour d’eux. Ces matières triées sont dirigées vers des presses, où elles sont compactées, puis mises en ballots que des chariots élévateurs chargent sur des camions à destination des recycleurs. De l’aide-éboueur jusqu’au cariste du centre de tri, tous ces travailleurs sont exposés à de multiples risques.

Les matières et leurs manipulations

La nature même des matières manipulées est une source de dangers, car on trouve de tout dans les ordures et les matières recyclables. Par exemple, un éboueur s’est coupé l’index sur la surface brisée d’une toilette. Un autre a eu le visage lacéré pendant le compactage de la benne parce qu’une bonbonne cachée dans les déchets a explosé. « Dans les centres de tri, la première étape est celle du pré-tri, où les travailleurs retirent ce qui n’est pas recyclable et n’aurait pas dû se trouver dans le bac de recyclage, explique Alexandre Desjardins, conseiller en prévention-inspection à la CNESST. Il peut y avoir des aiguilles, des lames, des bidons d’eau de Javel ou de chlore, des bouteilles de propane ou d’autres produits dangereux non recyclables ». Un centre de tri a déjà dû être évacué à cause d’une odeur de solvant occasionnant des maux de tête aux travailleurs. Les restes de cuisine et les contenants alimentaires mal nettoyés exposent les travailleurs aux risques biologiques que représentent les bactéries et les moisissures. « En été, les déchets ont le temps de fermenter avant la collecte. Si un sac est percé, le contenu peut couler sur les mains et les bras de l’éboueur », décrit Marie-Josée Caron, conseillère experte en prévention des risques biologiques à la CNESST. « Durant la compaction, il y a des risques de projection », ajoute Julie Arbour, conseillère en prévention et porteuse du dossier sur les éboueurs à Via Prévention. L’exposition est cutanée, mais aussi digestive si l’éboueur ne se lave pas les mains avant de boire ou de manger. Gare aux gastro-entérites! Pour les éboueurs, le risque biologique est aussi celui des mauvaises rencontres avec les animaux qui rôdent autour des poubelles et qui peuvent mordre. C’est sans compter les piqûres de guêpes, également attirées par les déchets de cuisine. Au centre de tri, l’entassement des matières avant qu’elles soient chargées sur le convoyeur est propice à la prolifération des micro-organismes et à leur diffusion par aérosols. « Des personnes plus vulnérables, comme les asthmatiques, peuvent développer des problèmes respiratoires si elles sont exposées à des moisissures », craint Marie-Josée Caron

L’autre risque associé aux matières vient de leur manutention ou de leur manipulation, avec tous les risques ergonomiques sous-jacents. L’aide-éboueur soulève chaque jour des centaines de sacs et de cartons, parfois lourds et encombrants. Le dos, les épaules, les poignets, les jambes sont en effort constant et susceptibles de développer des troubles musculosquelettiques (TMS). Entre deux arrêts, l’aide-éboueur peut monter sur le marchepied, mais ce sont alors des centaines de montées et de descentes avec des chocs répétés pour les genoux et les chevilles, et des risques de chute si le pied foule un obstacle ou si le sol est glacé. Quant au conducteur d’un camion à bras latéral, il est debout et ne dispose que d’un appui-fesses pour se reposer. « Un appui-fesses n’aura pas de système antivibrations comme pourra l’avoir un siège ordinaire, et l’exposition prolongée du corps aux vibrations du véhicule peut provoquer divers types de TMS à la colonne vertébrale, au cou et aux épaules », relève Marie-Claude Duford, conseillère experte en ergonomie à la CNESST. Dans un centre de tri, il faut imaginer le travailleur posté devant le convoyeur, prélevant sans arrêt des matières sur la courroie pour les mettre dans la chute. « Il a parfois le bras en extension pour atteindre l’autre côté du tapis. Il est toujours penché en avant. Il regarde toujours du même côté pour voir les matières arriver, donc les muscles du cou sont sollicités et il doit suivre la cadence », décrit Julie Arbour. Les gestes sont répétitifs, asymétriques, rapides et propices au développement de TMS.

Dehors par tous les temps

Qu’il pleuve, qu’il neige ou que le soleil cogne, les éboueurs ramassent les ordures. Sous la chaleur estivale, leur travail, déjà physique, n’en est que plus éprouvant. « Chaque année, une vingtaine d’éboueurs demande une indemnisation pour épuisement par la chaleur », relate Evelyne Bouvier, conseillère en prévention-inspection à la CNESST et responsable du dossier des contraintes thermiques. Une personne qui subit un épuisement par la chaleur transpire beaucoup et sa respiration s’accélère. Elle est alors prise de crampes abdominales, de nausées, de vomissements et d’étourdissements ou de somnolence. Avec cette vigilance altérée s’ensuivent des risques de chute et d’accident de circulation. Les symptômes de l’épuisement à la chaleur sont des signes avant-coureurs du coup de chaleur qui, lui, mène au décès. « Si une personne accumule une perte hydrique importante, elle risque de ne plus avoir suffisamment de sueur pour se refroidir. Alors, sa température corporelle augmentera, ce qui peut mener à son décès », décrit Evelyne Bouvier

« Pour éliminer les risques de blessure due aux pièces en mouvement, il faut agir dès la conception. »
En hiver, le froid entraîne des risques d’hypothermie, de gelures, et l’eau qui entre dans les bottes refroidit les tissus et entraîne des lésions dites du « pied de tranchée ». « Lorsqu’on manipule des déchets mouillés, les gants deviennent humides et froids et le contact avec le métal froid du camion augmente le risque de gelure au niveau des mains et de lésions secondaires, comme des coupures accidentelles causées par l’insensibilité et l’engourdissement », commente Evelyne Bouvier. De plus, le travailleur perd de la dextérité et aura plus de difficulté à saisir les sacs ou à s’agripper aux poignées du camion, entraînant des risques de TMS et de chute. « Il devient plus exigeant d’effectuer la même tâche lorsque la dextérité et la force des mains sont réduites par le froid, puisqu’on a alors tendance à resserrer davantage son emprise sur l’objet », confirme Marie-Claude Duford. Bien que la contrainte thermique ne soit pas aussi extrême dans les centres de tri, les travailleurs doivent aussi composer avec des écarts de température, notamment parce que les portes sont fréquemment ouvertes pour laisser entrer les véhicules

Accidents de circulation

C’est le risque numéro 1 d’accident des aides-éboueurs. À pied, ils peuvent se faire frapper par des automobiles, mais il est aussi arrivé qu’un aide-éboueur se fasse happer par un cycliste circulant à contresens. Mais surtout, allant et venant à l’arrière du camion, ils sont souvent dans l’angle mort du conducteur. Plusieurs éboueurs se sont fait écraser par le camion qui reculait, après être tombés du marchepied sur lequel ils se trouvaient. Ils n’ont pas eu le temps de se relever avant que le camion leur passe dessus. Le calcul ressorti dans un rapport d’enquête sur un accident survenu en 2011 est éloquent : à 4 km/h, soit la vitesse minimale d’un camion en marche arrière, il suffit d’une demi-seconde pour franchir 50 cm. « Le temps que le conducteur réalise, en regardant dans son rétroviseur, que l’éboueur n’est plus sur son marchepied, il est trop tard pour freiner et l’éboueur n’a pas eu le temps de se relever », commente Nathalie Paradis, ing., conseillère-experte en sécurité des machines et représentante de la CNESST au Comité de liaison sur les aspects de santé et de sécurité au travail liés à la collecte des matières résiduelles. Même bien debout sur son marchepied, l’aide-éboueur peut se faire coincer entre une structure urbaine et le camion quand celui-ci tourne dans des rues étroites. Dans les centres de tri, les accidents de circulation et les chutes ne sont pas à négliger non plus. D’une part, les piétons cohabitent avec des camions et des chariots élévateurs. En plus du risque de collision, ces véhicules génèrent du monoxyde de carbone, un gaz asphyxiant incolore et inodore. Ce gaz peut se répandre dans le centre de tri par l’intermédiaire des chutes à déchets. D’autre part, le sol est rarement dégagé. « Par définition, dans un centre de tri, il y a plein de matières recyclables qui se retrouvent un peu partout si l’entretien n’est pas fait. S’il y a encombrement des planchers, il y a un risque de chute de même niveau. Il y a aussi un risque de chute dans les ouvertures de plancher pour les produits triés si elles sont mal protégées », relate Alexandre Desjardins. « Le travailleur peut se blesser en tombant sur une arête vive d’un équipement », ajoute Marie-Claude Duford. Il peut aussi tomber sur une pièce en mouvement, comme c’est arrivé à un travailleur qui faisait le ménage. Alors qu’il voulait retenir sa chute en prenant appui sur le convoyeur, sa main s’est prise dans un angle rentrant et il s’est fait entraîner par le convoyeur.

Le piège des pièces en mouvement

« Dans un centre de tri, le risque qui saute aux yeux est celui lié aux machines, dont les convoyeurs et les presses. Les travailleurs sont entourés de machines avec des pièces en mouvement. Si les zones dangereuses des machines sont mal protégées, il y a des risques de coincement et d’entraînement avec les convoyeurs, mais aussi des risques d’écrasement avec les presses », décrit Alexandre Desjardins. « La courroie du convoyeur comme telle n’est pas nécessairement dangereuse, précise cependant Nathalie Paradis. Le danger vient par exemple des angles rentrants créés par la courroie et les tambours qui l’entraînent. ». En 2017, un travailleur est mort étranglé après que son capuchon a été entraîné dans un des angles rentrants situés sous le convoyeur. D’autres fois, des travailleurs interviennent sur une machine bloquée sans appliquer une procédure de contrôle des énergies. C’est ce qui est arrivé dans une presse à balles qu’un travailleur a tenté de débloquer sans maîtriser les sources d’énergie. La presse s’est remise en mouvement et l’a écrasé. Les éboueurs ne sont pas épargnés, car dans le camion, le compacteur est une pièce en mouvement susceptible de coincer et d’écraser un travailleur. Ainsi, un conducteur-éboueur, entré dans la benne, est mort coincé après avoir déclenché accidentellement le compactage. Sans être nécessairement fatals, d’autres accidents de compactage ont mené à des fractures et à des amputations.

La prévention en centre de tri

Pour éliminer les risques de blessure due aux pièces en mouvement, il faut agir dès la conception. Lorsqu’il est impossible de mettre en place des mesures de prévention intrinsèques, la zone dangereuse d’une machine doit être rendue inaccessible par des protecteurs ou des dispositifs de protection. « C’est prescrit par l’article 182 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) portant sur le contrôle de la zone dangereuse », rappelle Nathalie Paradis. « Ça fait partie des cibles de tolérance zéro de la CNESST », renchérit Alexandre Desjardins. L’employeur doit avoir mis en place des procédures de cadenassage ou, à défaut, toute autre méthode qui assure une sécurité équivalente. Les travailleurs concernés doivent être informés des dispositions contenues dans les procédures de cadenassage. Aussi, toutes les personnes dont le travail exige l’exécution, dans la zone dangereuse d’une machine, d’une des activités couvertes par une procédure de cadenassage, doivent d’abord posséder les connaissances et l’expérience pertinentes et recevoir une formation appropriée

Le contrôle de la qualité de l’air pour réduire l’exposition aux bioaérosols et aux contaminants chimiques passe aussi par des méthodes de contrôle plus que par l’élimination à la source. « Si un tamis brasse beaucoup de matière et qu’on prévoit qu’il produise beaucoup de contaminants, il peut y avoir une hotte de captation au-dessus », propose Alexandre Desjardins. La solution réside aussi dans un système de ventilation générale avec filtration et changements d’air. « Si les travailleurs assignés au tri sont dans une salle séparée, cette cabine de tri peut être équipée d’un système de ventilation indépendant qui permet aussi de contrôler la température », propose encore Alexandre Desjardins. C’est possible, comme le démontre le centre de tri des matières recyclables inauguré à l’automne 2019 dans l’arrondissement de Lachine, à Montréal. Le contrôle de la qualité de l’air réduit l’exposition aux bioaérosols, mais pour aller plus loin dans la prévention des risques biologiques, il faut instaurer de bonnes pratiques d’hygiène comme le lavage des mains, particulièrement avant de manger et de boire.

Quant aux risques ergonomiques, ils doivent être prévenus par des mesures d’aménagement des postes de travail. Entre autres, « il faut viser un écart minimal entre la hauteur du point de préhension des objets et celle du point de dépôt, pour éviter de monter et de descendre les bras à répétition tout en maintenant une charge », soutient Marie-Claude Duford. Le problème est que le convoyeur est à la même hauteur pour tous les travailleurs, petits ou grands. « Ce sont les travailleurs qui s’ajustent avec une plateforme pour être à la bonne hauteur par rapport au convoyeur », rapporte Julie Arbour. « Il est souhaitable d’organiser des rotations de postes de travail pour éviter aux travailleurs de faire des gestes asymétriques toujours du même côté du convoyeur », ajoute Marie-Claude Duford. Mais « comme la plateforme n’est généralement pas ajustable, la rotation n’est pas toujours possible », regrette Julie Arbour. Il reste les échauffements et étirements en début de journée, qui peuvent aider à prévenir les TMS.

Les équipements de protection individuelle (EPI) viennent après les mesures administratives. Indispensables en centre de tri, gants, chaussures, lunettes et appareils de protection respiratoire sont à choisir en fonction d’une analyse de risques. Par exemple, « près des portes d’entrée, si le sol est glissant, des semelles antidérapantes peuvent être demandées », illustre Alexandre Desjardins. « Il faut un gant avec une bonne adhérence et résistant aux coupures, mais il faut aussi une bonne dextérité », ajoute Julie Arbour. Conformément à l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), « l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et l’intégrité physique des travailleurs, ce qui sous-entend de faire une analyse de risques », rappelle Alexandre Desjardins. En fonction de ces risques, c’est la responsabilité du comité de santé et sécurité de déterminer les EPI appropriés et celle de l’employeur de les fournir gratuitement aux travailleurs.

La prévention chez les éboueurs

Le risque numéro 1 est celui des accidents de circulation, et beaucoup mettent en cause le marchepied. En fait, ce n’est pas le marchepied lui-même qui pose problème, mais le fait que certaines opérations comme les manœuvres de recul et le compactage soient possibles quand une personne s’y trouve. Nathalie Paradis nous explique que l’une des solutions pour pallier cette problématique est que le marchepied soit équipé d’un dispositif qui détecte la présence d’un éboueur. Ce dispositif fait en sorte de limiter la vitesse de marche avant du camion et empêche la marche arrière lorsqu’un éboueur se trouve sur le marchepied. C’est ce qu’exige la norme européenne portant sur les exigences de sécurité des bennes de collecte des déchets. Julie Arbour abonde dans le même sens et ajoute que l’Ontario dispose de directives de sécurité pour l’équipement de compactage mobile. Une des solutions proposées dans ces directives est de localiser la commande à une distance telle qu’elle ne permet pas au travailleur d’atteindre la zone dangereuse de compactage. Les bonnes pratiques suivies au Québec sont souvent celles de la norme américaine ANSI Z245.1, portant sur les exigences de sécurité des équipements mobiles de collecte, de transport et de compactage des déchets et des matières recyclables. Cette norme ne prévoit pas de mécanisme de détection d’un travailleur sur le marchepied, mais stipule que l’aide-éboueur ne doit pas être sur le marchepied pendant une manœuvre de recul. Cette norme est reprise dans le Livret de l’éboueur, édité par Via Prévention, qui fait figure de référence pour les bonnes pratiques du métier de l’éboueur. Il est notamment écrit que lorsque l’aide-éboueur est sur le marchepied, il ne doit pas compacter, et que le conducteur ne doit ni reculer ni rouler à plus de 16 km/h.

Le Livret contient aussi un ensemble de bonnes pratiques pour prévenir les TMS et les risques associés aux contraintes thermiques.

Concernant la manutention des charges, trois points essentiels ressortent : porter attention à l’alignement du corps, éviter les asymétries et favoriser les mouvements fluides avec transfert de poids. Par exemple, se pencher, le dos rond et les jambes jointes, est à proscrire, car le dos n’est pas aligné avec le corps et la position n’est pas équilibrée. « Il faut chercher à équilibrer les mouvements et faire travailler les deux côtés du corps », insiste Marie-Claude Duford. Le défi est d’appliquer ces principes en suivant le camion. Or, parfois, des situations imprévues font prendre du retard, la cadence s’accélère pour rattraper le temps perdu. « Quand on se dépêche, on fait moins attention aux mouvements. Il y a risque de chute, mais aussi de blessures et de TMS, prévient Marie-Claude Duford. Les TMS arrivent quand le corps n’a pas eu le temps de récupérer et que l’effort est plus grand que ce qu’il peut fournir. Il est donc souhaitable d’offrir la marge de manœuvre nécessaire aux éboueurs pour pallier les imprévus et éviter d’avoir à se dépêcher ».

Les lésions en chiffres

La description de cette diversité de risques et d’accidents est éloquente, mais les chiffres parlent aussi. Il y a eu, en 2008, 713 lésions professionnelles inscrites et acceptées par la CNESST parmi les entreprises de collecte des déchets, celles qui ont des installations de récupération de matériaux et celles qui font le traitement et l’élimination des déchets. De ce nombre, 99 % étaient des accidents, contre seulement 1 % de maladies professionnelles. Les entreprises de collecte des déchets étaient alors les plus concernées, avec 448 lésions, contre 265 pour les entreprises qui ont des installations de récupération de matériaux et celles qui font le traitement et l’élimination des déchets. Ces nombres sont cependant une sous-estimation, car ils ne comprennent pas les éboueurs qui travaillent pour les municipalités, précise Nathalie Paradis. Dix ans plus tard, en 2018, la situation s’est améliorée, puisque la CNESST rapporte 512 lésions, dont 262 dans des entreprises de collecte des déchets et 250 dans des entreprises qui ont des installations de récupération de matériaux et d’autres qui font le traitement et l’élimination des déchets. C’est donc surtout la situation des entreprises de collecte de déchets qui s’est améliorée. Même si le nombre de lésions devrait être rapporté au nombre d’heures travaillées pour offrir un meilleur portrait de l’évolution des accidents de travail, les chiffres invitent à mettre en place des mesures de prévention. Ainsi, tout en ayant comme objectif la réduction du risque, des mesures de prévention efficaces et adéquates doivent être mises en place.

Il faut aussi allouer aux travailleurs des temps de pause en cas de conditions météorologiques extrêmes. « En été, l’employeur doit mettre en place un système d’alternance pause-travail à l’heure pour réduire la perte hydrique et éviter les coups de chaleur. Chaque été, la CNESST diffuse des messages qui avertissent les employeurs qu’en présence de contrainte thermique chaude, il faut ralentir le rythme de travail, prendre des pauses à l’ombre et bien s’hydrater », souligne Evelyne Bouvier. De façon similaire, le guide Travailler au froid de la CNESST indique la fréquence et la durée des pauses à prendre en fonction de la température, et les moyens de protection à privilégier. En été, il est recommandé de boire au minimum un verre d’eau fraîche ou des boissons avec des éléments minéraux de type Gatorade toutes les 20 minutes pour compenser la perte hydrique par la sueur. La caféine et les boissons très sucrées sont à éviter, car elles augmentent la perte d’eau. À l’opposé, en hiver, une boisson sucrée peut constituer un apport d’énergie utile pour lutter contre le froid. Avant de boire, il faut cependant se rappeler de ne pas toucher l’embout de la bouteille avec les gants ou des mains sales, qui pourraient être contaminées par des agents pathogènes. « L’employeur peut fournir des agents de nettoyage sans eau ou des lingettes nettoyantes aux travailleurs qui ne peuvent avoir accès à des installations sanitaires », conseille Marie-Josée Caron. Côté vêtements, en été, même s’il fait chaud, les manches et les pantalons sont de rigueur compte tenu de la dangerosité des matières manipulées. « On préconise des vêtements pâles et un tissu mince qui permet une meilleure évaporation », précise Evelyne Bouvier. En hiver, une bonne idée est de prévoir des gants et des chaussettes de rechange. Le fait d’avoir les vêtements appropriés à la température extérieure ne dispense pas de porter les EPI : gants de protection, chaussures à embout d’acier et dossard à haute visibilité. Toujours en vertu de l’article 51 de la LSST, l’employeur a l’obligation de s’assurer que le travail est effectué de façon sécuritaire. « C’est à lui de mettre en place les bonnes pratiques, comme celles précisées dans les règles de l’art, par exemple, la norme ANSI Z245.1 et le Livret de l’éboueur », soutient Nathalie Paradis.

Les préoccupations environnementales imposent des adaptations constantes au secteur de la collecte des ordures et des matières recyclables. Pour s’adapter au marché du recyclage, les centres de tri doivent acquérir de nouveaux équipements. C’est un défi pour la santé et la sécurité, qui doit suivre le mouvement. Mais c’est aussi une occasion à saisir. « Il faudrait que la santé et la sécurité soit prise en compte à chacun de ces changements, et en profiter pour améliorer la santé et la sécurité des travailleurs », croit M. Desjardins. Autre changement majeur en vue : avec l’interdiction prochaine d’envoyer les matières putrescibles aux sites d’enfouissement, les centres de compostage et de biométhanisation vont prendre de l’ampleur. Et là, les risques biologiques vont monter d’un cran. C’est donc un dossier à suivre…

L’utilisation des témoins sur notre site

Pour adapter nos contenus et améliorer votre expérience sur notre site Web, nous utilisons des témoins (cookies) dans le respect de votre vie privée.

En naviguant sur notre site, vous acceptez l’utilisation des témoins décrite dans notre politique de confidentialité.

Gérer les témoins

  • Témoins nécessaires au bon fonctionnement

    Ces témoins sont obligatoires, car ils garantissent le bon fonctionnement du site.

    Toujours actifs
  • Témoins relatifs à la publicité

    Nous n'utilisons pas de témoins pour des actions de marketing personnalisé.

    Toujours désactivés
  • Témoins liés aux données statistiques

    Ces témoins permettent de collecter des données de navigation, comme la durée de la visite ou les pages vues. Les données collectées sont anonymes et ne peuvent pas être associées à une personne.

Confirmer
Prévention au travail