Le droit à un milieu de travail exempt de harcèlement : où en sommes-nous aujourd’hui?

Par Gabrielle Fallu

16 avril 2024

SERSOLL/Shutterstock.com

Il y a 20 ans, le Québec est devenu la première province canadienne à intégrer des dispositions visant à contrer le harcèlement psychologique dans les milieux de travail dans sa Loi sur les normes du travail. Depuis, les travailleuses et travailleurs peuvent déposer une plainte à la CNESST lorsqu’ils estiment en subir. Nous nous sommes donc entretenus avec Chantal Lachapelle, enquêteuse en harcèlement psychologique à la CNESST, afin de connaître des exemples concrets de harcèlement au travail, le processus qui s’enclenche lorsqu’une plainte est déposée et les progrès effectués depuis la mise en application des dispositions de la loi.

Qu’est-ce que le harcèlement psychologique ou sexuel? C’est une conduite vexatoire (abusive, humiliante, blessante) qui se manifeste par des paroles, des gestes ou des comportements qui :

  • sont répétés;
  • sont hostiles (agressifs, menaçants) ou non désirés;
  • portent atteinte à la dignité (c’est-à-dire au respect, à l’amour-propre) ou à l’intégrité (à l’équilibre physique, psychologique ou émotif) de la personne;
  • rendent le milieu de travail néfaste pour la personne.

Une seule conduite grave peut aussi être considérée comme du harcèlement si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour la personne.

Au Québec, l’introduction des dispositions sur le harcèlement dans la Loi sur les normes du travail a été significative sur le plan de l’avancée des droits des travailleuses et travailleurs. D’ailleurs, Chantal Lachapelle précise que, depuis l’instauration de ces dispositions, le nombre de plaintes déposées auprès de la CNESST a augmenté en proportion avec la notoriété grandissante du recours. Pour Mme Lachapelle, cette augmentation est un signe clair que les travailleuses et travailleurs connaissent mieux leurs droits. « Certains se demandent pourquoi le harcèlement au travail ne s’est pas résorbé en vingt ans, dit-elle. Je suis d’avis que plus les gens sont informés, plus ils déposent de plaintes. C’est pour ça que nous observons encore une hausse des plaintes. » Rappelons qu’au Québec, les employeurs doivent prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à leur connaissance, pour la faire cesser. Ils doivent notamment adopter et rendre disponible une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes.

Suivre les étapes

Le cheminement d’une plainte comprend plusieurs étapes. Tout d’abord, la travailleuse ou le travailleur doit déposer sa plainte auprès de la CNESST. Cela peut se faire en ligne. À noter que la personne syndiquée doit cependant s’adresser à son syndicat.

Un intervenant de la CNESST communique ensuite avec la personne pour prendre des informations techniques en vue d’évaluer si la CNESST peut donner suite à la plainte. L’intervenant peut aussi informer la personne plaignante et lui donner des références au besoin. « Les agentes et agents sont outillés pour diriger les gens qui ont besoin d’aide. Ils en savent beaucoup sur toutes sortes de cas, dont les pratiques interdites, les congédiements déguisés et le harcèlement psychologique ou sexuel », précise Chantal Lachapelle.

Lorsque le dossier est ouvert, la CNESST offre un service de médiation. L’employé et l’employeur, ou le représentant de ce dernier, sont alors assistés par un médiateur neutre et impartial pour essayer de trouver un terrain d’entente qui convient aux deux parties. La médiation permet de résoudre une grande proportion des plaintes.

Lorsque l’enquête est nécessaire

Si les parties ne sont pas en mesure de s’entendre lors de la médiation ou si la médiation est refusée, la plainte pour harcèlement psychologique est transférée à un enquêteur ou à une enquêteuse, comme Chantal Lachapelle. Cette personne fait alors une enquête administrative durant laquelle l’entièreté de la problématique est étudiée. Durant ce processus, elle recueille la version des faits de la personne plaignante ainsi que celle de l’employeur. Elle peut aussi recueillir des documents ou toute information qui permet de vérifier les allégations, par exemple auprès des employés de la même organisation, afin de trouver des témoins. Tout au long du processus, il peut y avoir un rapprochement des parties en vue de conclure une entente. Lorsque son enquête est terminée, la personne enquêteuse recommande, ou non, que la plainte soit transmise pour une audience devant le Tribunal administratif du travail. En effet, seul le tribunal peut décider s’il y a eu du harcèlement.

Des exemples concrets

Certains types de harcèlement psychologique au travail sont plus récurrents que d’autres, comme la violence directe, qui englobe la violence physique et verbale. Dans une telle situation, il y a souvent des témoins qui peuvent fournir des preuves que les événements sont bel et bien survenus. De même, les cas de dénigrement et de mise en échec seraient plutôt fréquents. « Il peut s’agir de discréditer une personne, car elle n’est pas capable de faire quelque chose, comme parler l’anglais. On rit d’elle et on minimise la qualité de son travail. Ceci constitue du harcèlement psychologique, car la qualité de son travail est alors remise en question », explique Mme Lachapelle.

Un nouveau type de motif de plainte est apparu ces dernières années et a majoritairement trait à la communauté LGBTQ+, à la grossophobie, à l’identité de genre et à l’âgisme. Ces plaintes qui font état de discrimination, selon la Charte des droits et libertés de la personne, sont aussi associées au harcèlement psychologique.

Un tabou qui a la vie dure

Selon Mme Lachapelle, il est évident qu’un certain tabou entoure encore la dénonciation des situations de harcèlement psychologique et qu’on l’observe plus fréquemment au sein de petites organisations qui ne disposent pas de services de conseil en matière de ressources humaines. Elle donne l’exemple de la travailleuse ou du travailleur qui subit du harcèlement psychologique de la part de son patron, dans une entreprise de moins de dix employés. Cette personne sera souvent plus réticente à déposer une plainte, car elle craint de perdre son emploi après avoir dénoncé du harcèlement psychologique. « Toutefois, on note que, de façon générale, les travailleuses et travailleurs sont de moins en moins réticents à déposer des plaintes à la CNESST », observe Mme Lachapelle.

D’ailleurs, elle conclut en précisant que les travailleuses et travailleurs ne devraient pas hésiter à porter plainte s’ils estiment vivre du harcèlement psychologique ou sexuel. « Il ne faut pas vivre avec ce mal-être qu’on ressent lorsqu’on croit subir du harcèlement psychologique ou sexuel au travail. On devrait être capable d’aller au travail chaque matin et d’être bien », conclut-elle.

Des exemples de comportements pouvant indiquer la présence de harcèlement psychologique au travail

  • Empêcher la personne de s’exprimer
  • L’isoler
  • La dévaloriser
  • La discréditer
  • La menacer ou l’agresser
  • L’humilier
  • Se comporter de façon déplacée envers elle

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