Des bottes pour ne pas perdre pied
Par Maxime Bilodeau
13 Décembre 2022
Photo : KITE Research Institute
Une équipe de recherche a mis à l’épreuve une méthode inédite d’essai de résistance au glissement. Leur espoir : rendre les informations plus facilement accessibles lorsque vient le temps de magasiner une botte de travail pour l’hiver.
En hiver au Québec, les mélanges de précipitations transforment plusieurs surfaces en véritables patinoires. De nombreux travailleurs qui gagnent leur vie à l’extérieur, comme les facteurs et les brigadiers scolaires, sont ainsi exposés à des risques de chute et de glissade. Lorsque les moyens de prévention mis en place ne suffisent pas, ces travailleurs comptent sur leurs bottes de travail pour ne pas perdre pied. N’empêche, la glace et la pluie verglaçante étaient en cause dans 14 % des accidents de chute et glissade répertoriés dans la province de 2014 à 2016. Ce type d’accident est d’ailleurs plus fréquent au plus fort de la saison froide, de décembre à mars.
Paradoxalement, les normes sur lesquelles les fabricants de bottes de travail s’appuient pour apprécier la résistance au glissement de leurs produits font fi des surfaces glacées. « Les méthodes d’essai existantes évaluent le coefficient de friction (CdF) des semelles à l’aide de tests réalisés sur des surfaces comme la céramique ou l’acier inoxydable, en condition sèche, mouillée ou huilée », explique Chantal Gauvin, professionnelle scientifique à l’IRSST. En combinaison avec une machine à glace de la même compagnie, l’appareil de mesure utilisé pour établir le CdF permet pourtant de fabriquer des surfaces glacées givrées et lisses dans un bac à glace réfrigéré.
« Le problème est qu’il existe peu de données sur la fabrication de surfaces glacées et sur la validité de la méthode d’essai avec le bac à glace dans la littérature scientifique, enchaîne l’experte en équipements de protection individuelle. C’est pourquoi nous avons développé une méthode d’essai mécanique alternative basée sur les protocoles de test existants. » Les résultats de ces travaux de recherche financés par l’IRSST sont consignés dans le document synthèse Évaluation des méthodes d’essai pour déterminer la résistance au glissement des chaussures sur des surfaces glacées, mis en ligne à la fin de 2021.
Glace sèche ou fondante
L’équipe de recherche a commencé par déterminer les conditions de glace sur lesquelles baser sa nouvelle méthode. Elle s’est fiée à un protocole d’essai de résistance au glissement axé sur la personne conçu à l’Institut de recherche KITE de Toronto, dont le laboratoire dispose d’un sol de glace inclinable pouvant atteindre des températures inférieures à zéro. « Ce groupe est capable de générer sur commande une glace sèche ou fondante. Nous avons procédé par essais et erreurs pour fabriquer des surfaces glacées à des températures comparables avec notre appareil de mesure », raconte Chantal Gauvin.
Cela a d’abord permis de comparer les deux méthodes pour évaluer la résistance au glissement de dix modèles de bottes de travail sur des surfaces glacées. « Huit modèles ont été choisis en concertation avec un comité de suivi formé de représentants de divers milieux de travail, comme des corps policiers et des services de sécurité incendie. Les deux autres l’ont été sur la base de leur bonne réputation », spécifie l’ingénieure. Cette approche a également permis d’apprécier la possibilité de répéter et de reproduire cette méthode d’essai mécanique alternative dans deux laboratoires distincts, à Montréal et à Toronto.
Au final, la nouvelle méthode d’essai mécanique que les équipes de l’IRSST et du KITE ont élaborées a produit des résultats qui ont pu être répété et se sont avérées plutôt reproductibles dans les deux laboratoires. « Les bottes de travail mises à l’épreuve se classaient, à quelques nuances près, dans le même ordre », analyse Chantal Gauvin. En faisant la comparaison avec la méthode d’essai axée sur la personne, les scientifiques ont cependant constaté des différences entre les deux quant aux performances des bottes de travail sur une glace sèche. « Cela n’était pas le cas pour la glace fondante, où les mêmes bottes se sont distinguées dans les deux cas. La méthode mécanique semble surestimer les propriétés de certaines bottes sur la glace sèche », constate Chantal Gauvin, qui souhaite d’autres recherches pour élucider ce mystère.
À retenir
Quoi qu’il en soit, cette étude a permis de confirmer la supériorité de deux bottes de travail réputées performantes. « Peu importe la méthode, elles sont ressorties du lot. Cela confirme que certaines semelles sont plus fiables que d’autres sur la glace », souligne la scientifique. Des matériaux comme des fibres microscopiques ou des grains abrasifs ont été incrustés dans ces semelles pour leur donner une surface rugueuse. Chantal Gauvin recommande par ailleurs de consulter la plateforme Rate my treads de l’Institut de recherche KITE avant de se procurer une botte de travail. « Les meilleurs modèles y sont répertoriés. En plus, l’information est disponible en français », conclut-elle.
Pour en savoir plus
Fiche synthèse : irsst.info/dt-1136
https://kite-uhn.com/rmt/fr
Capsule vidéo :https://savoir.media/facteurs-de-risque/incursion-au/clip/-labo-attention-ca-glisse