Camion-pompe à béton : attention aux renversements!

Qui n’a pas déjà vu un camion-pompe à béton avec un mât de distribution sur un chantier de construction? Ces équipements populaires, avec leur réseau de tuyaux déployables, sont utilisés pour acheminer le béton liquide à des endroits difficiles d’accès afin de remplir les fondations, les colonnes de soutien, les murs et les planchers d’un bâtiment. Même si leur utilisation est bien encadrée, ils causent encore des accidents du travail au Québec. Deux des plus dangereux? Leur renversement et leur basculement. Henri Bernard, ingénieur et conseiller expert en prévention-inspection, en a discuté avec nous.

Sans l’utilisation de ces camions-pompes, il serait très complexe de bétonner toutes les structures d’un édifice ou d’une maison. « Il ne faut pas oublier que le poids d’un pied cube de béton est de 65 kg, précise d’emblée l’expert. Imaginez le nombre d’allers-retours en brouette et l’effort colossal qu’il faudrait pour couler des structures dans les endroits difficiles d’accès! » Ainsi, les camions-pompes réduisent considérablement l’effort physique fourni par les travailleuses et travailleurs.

De multiples causes

Au Québec, dans les dernières années, plusieurs renversements de camions-pompes sont survenus. Peu importe le sens de leur renversement, ces équipements peuvent causer des accidents du travail graves, voire mortels. En effet, ces situations peuvent être très dangereuses pour les travailleuses et travailleurs qui se trouvent près du camion-pompe et de son mât. De plus, les méthodes de relevage de l’équipement et de son mat sont très complexes.

L’une des causes les plus fréquentes de ces renversements est le manque d’information sur les caractéristiques du sol et sa capacité portante, soit à supporter une charge appliquée sans s’affaisser ou se déformer de façon excessive. « Dans plusieurs situations, le renversement vient de l’instabilité du camion-pompe, le sol n’étant pas en mesure de soutenir les plaques de support des stabilisateurs », explique l’expert. Dans ce cas, les plaques de support sont sous-dimensionnées par rapport à la charge transmise par l’équipement. Ainsi, le camion-pompe peut basculer ou se renverser s’il n’est pas bien mis d’aplomb, notamment si ses stabilisateurs sont incorrectement déployés ou s’ils sont munis de plaques de support installées sur un sol n’ayant pas la capacité portante nécessaire.

Il est donc important de mettre en place les mesures prévues au Règlement sur les pompes à béton et les mâts de distribution ainsi qu’à la norme canadienne CSA Z151 – Pompes à béton et flèches de distribution pour faire en sorte que le camion-pompe est bien fabriqué, utilisé, maintenu en bon état, examiné et vérifié. Au Québec, le Règlement traite de la conception des pompes à béton et des mâts de distribution, de leurs composantes, de leurs accessoires, de leur utilisation sécuritaire, de leur entretien ainsi que des examens et des vérifications à effectuer. La norme canadienne vise les mêmes éléments que le règlement québécois. Toutefois, lorsque les exigences de la norme canadienne sont plus sévères, c’est cette norme qui doit alors être appliquée en ce qui concerne la conception.

Des renversements évitables

Plusieurs mesures permettent de garantir la stabilité du camion-pompe, d’en prévenir le renversement et d’assurer la sécurité des travailleuses et travailleurs qui se trouvent dans l’aire de travail.

Tout d’abord, il est nécessaire de choisir un emplacement approprié pour installer le camion-pompe. Le sol doit être plat, solide et stable. Les zones inclinées ou sujettes à l’affaissement doivent être évitées. De plus, il est recommandé de placer le camion-pompe à au moins trois mètres des excavations et des tranchées, des espaces remblayés, des canalisations et des bornes-fontaines.

Comme indicatif de la portance du sol, il est pertinent de vérifier, durant le déplacement du camion-pompe, la réaction du sol et la profondeur des sillons des pneus. Le maître d’œuvre est la personne-ressource qui détient l’information sur la capacité portante des sols du chantier. En effet, il doit préalablement effectuer les essais nécessaires pour planifier la construction du bâtiment.

De plus, il est impératif de bien utiliser les stabilisateurs. Ils doivent être déployés sur les plaques de support appropriées, être de bonne dimension et positionnés de manière à stabiliser l’équipement. En effet, des plaques de support sous-dimensionnées peuvent provoquer le renversement du camion-pompe si la charge qui y est appliquée est supérieure à leur capacité portante. « Ainsi, un camion-pompe KVM32 possède des stabilisateurs d’une charge au sol de 135 kilonewtons à l’avant et de 115 kilonewtons à l’arrière, mentionne l’expert. Il s’agit de la charge maximale lorsque le mât de distribution est en pleine extension, additionnée au poids du béton et en considérant les stabilisateurs en extension au maximum de la capacité. Dans le cas où le camion-pompe se trouve sur un sol de sable ou de gravier mou d’une capacité portante de 50 kilopascals, la surface des plaques de support sous les stabilisateurs avant devrait être de 2,70 m², tandis que celle des stabilisateurs arrière devrait être de 2,30 m². » Pour respecter ces dimensions, il faut suivre les recommandations du fabricant pour le réglage et l’utilisation des stabilisateurs, particulièrement lorsque ces derniers ne sont pas tous déployés complètement. Dans ce cas, il est nécessaire d’observer un procédé de travail signé et scellé par un ingénieur ou une ingénieure ou encore de restreindre le déplacement du mât de distribution selon les directives du fabricant au moyen d’un limiteur de portée. De plus, il faut surveiller le terrain tout au long des travaux. Le sol doit rester stable et ne montrer aucun signe de déformation ou d’affaissement.

En outre, les conditions météorologiques doivent être prises en considération. Le vent, la pluie ou la neige pourraient compromettre la stabilité de l’équipement. « Ainsi, durant les périodes de dégel, la portance du sol peut être instable. L’eau peut s’infiltrer dans le sol et l’affaiblir, explique M. Bernard. La roche sera alors très humide, malléable et ne sera plus compactée. » Si les conditions météorologiques sont défavorables, les travaux devraient être suspendus jusqu’à ce qu’elles s’améliorent.

Une formation primordiale

Les opératrices et opérateurs de camion-pompe doivent être adéquatement formés et connaître les procédures de sécurité ainsi que les mesures à appliquer pour maintenir la stabilité de l’équipement. « Une utilisation inadéquate du camion-pompe en raison d’une formation insuffisante peut entraîner des erreurs et des accidents, explique l’expert. C’est pourquoi il est important de placer le camion-pompe dans un endroit dégagé et où l’espace de travail est suffisant pour permettre de déployer les stabilisateurs au maximum ou selon les instructions du fabricant. Si ce n’est pas possible, l’employeur doit transmettre à la CNESST un procédé de travail signé et scellé par une ingénieure ou un ingénieur ou privilégier l’utilisation d’un limiteur de portée pour restreindre le déplacement du mât. »

Pour éviter les accidents du travail, la communication entre les opératrices et opérateurs de la pompe et les personnes au sol doit être efficace. En effet, une bonne communication peut contribuer à éviter les situations dangereuses. De plus, faire des inspections régulières de l’équipement permet de détecter tout signe de défectuosité mécanique ou tout problème de structure qui pourraient compromettre la stabilité du camion-pompe. « À tous les quarts de travail, l’opératrice ou l’opérateur du camion-pompe doit effectuer des inspections et consigner les résultats dans un registre », termine l’expert.