Cadenassage sur les chantiers : où en est-on?

Par Maxime Bilodeau

6 septembre 2022

Une étude exploratoire conclut que l’application des exigences réglementaires en matière de contrôle des énergies dangereuses sur les chantiers de construction au Québec varie principalement selon le type de chantier.

Le secteur de la construction fait partie de ceux que concerne le contrôle des énergies dangereuses, comme l’électricité. Des incidents graves, voire mortels, y sont recensés chaque année à la suite de travaux sur l’appareillage électrique, une machine ou un équipement industriel dont les énergies ont été mal contrôlées ou pas du tout. Ce milieu compte à lui seul pour 28 % des décès que la CNESST a indemnisés de 2010 à 2014 à la suite du dégagement intempestif d’une source d’énergie. De 1990 à 2017, l’étude note une moyenne d’un décès par an attribuable à ce genre de situation au Québec.

Depuis 2016, une section traitant du cadenassage et d’autres méthodes de contrôle des énergies a fait son apparition dans le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC), qui régit la santé et la sécurité sur les chantiers du Québec. Parmi les exigences qu’impose la section 2.20, citons entre autres la notion du maître d’oeuvre responsable de l’encadrement du contrôle des énergies sur les lieux. Il doit, par exemple, fournir le matériel de cadenassage, dont les cadenas à cléage unique, sur « son » chantier.

« Auparavant, il pouvait y avoir un flou sur l’application de ces principes, faute de réglementation explicite. La mise à jour du CSTC en 2016 est venue changer la donne ; or, on avait peu de données sur comment ce règlement était pris en compte », explique Damien Burlet-Vienney, chercheur à l’IRSST. Avec le professeur Yuvin Chinniah de Polytechnique Montréal et Ayoub Nokra, étudiant à la maîtrise, il a mené une étude exploratoire pour mieux comprendre les pratiques reliées au contrôle des énergies de quatre corps de métier du secteur de la construction.

Entrevues face à face

L’équipe scientifique a interrogé 38 travailleurs, soit 10 électriciens, 8 frigoristes, 10 mécaniciens et 10 tuyauteurs. Le choix de ces corps de métier n’a pas été laissé au hasard. « Sans être les seuls, ce sont les plus à même d’être concernés par l’application de procédures de contrôle des énergies au quotidien », souligne l’expert. De plus, l’échantillon de participants devait permettre de couvrir les différents types de chantiers (c.-à-d. résidentiel, institutionnel- commercial, industriel et génie civil). D’une durée moyenne de 90 minutes, les entrevues semi-dirigées se sont déroulées sur environ deux ans, de 2018 à 2019, à l’aide d’un questionnaire ouvert établi autour d’éléments de la section 2.20 du CSTC et de la norme canadienne CSA Z460 sur le contrôle des énergies dangereuses.

Chaque participant était invité à raconter deux expériences récentes relatives au contrôle des énergies, et ce, pour deux types de chantiers différents. Le but : creuser en profondeur les situations vécues, tout en procurant un échantillon relativement conséquent. Cette approche a aussi permis aux chercheurs de sonder les travailleurs sur les points à améliorer sur les chantiers en matière de cadenassage et d’autres méthodes de contrôle.

Les scientifiques avaient préalablement réalisé une revue de la littérature sur les accidents du travail graves et mortels découlant d’un problème de contrôle des énergies dangereuses dans le secteur de la construction. Cette analyse sommaire a confirmé le bienfondé de l’étude exploratoire. « Les statistiques disponibles et notre analyse détaillée des accidents mortels au Québec révèlent que le risque électrique et les électriciens sont largement représentés dans les accidents. D’ailleurs, hormis les statistiques d’accidents, il y avait peu d’informations disponibles spécifiques aux méthodes de contrôle des énergies pour les chantiers de construction », affirme Damien Burlet-Vienney.

Influence du type de chantier

À la lumière des témoignages recueillis, Damien Burlet-Vienney et ses collaborateurs ont pu tirer plusieurs conclusions. Ainsi, il semble que le type de chantiers ait une influence sur l’application de méthodes de contrôle des énergies répondant aux exigences du CSTC. « Sur les chantiers industriels et les plus gros chantiers commerciaux, on constate que le maître d’oeuvre est souvent bien défini contractuellement avant les travaux. Or, une grande partie la section 2.20 du CSTC repose sur lui. Ce n’est pas le cas en revanche sur des chantiers plus petits, résidentiels par exemple », note le chercheur. De manière générale, la méthode de travail appliquée dans ces cas ne correspond pas au cadenassage tel que défini dans le CSTC.

« Le choix de la méthode de contrôle par l’intervenant sur les petits chantiers où le client n’a pas d’expertise technique des équipements va souvent découler d’une analyse informelle de type contraintes-bénéfices », rapporte Damien Burlet-Vienney. Le rapport formule d’ailleurs des pistes de réflexion pour favoriser le contrôle individuel des énergies, peu importe le type de chantier.

Ces conclusions commandent d’autres travaux sur le contrôle des énergies dangereuses. Parmi les pistes à enquêter figure l’utilisation des méthodes alternatives au cadenassage. « Nous pensons aux situations où le cadenassage est impossible ou moins approprié. La réglementation permet d’opter pour un plan B, mais cela doit être justifié à l’aide d’une analyse formelle des risques », conclut le chercheur.

Pour en savoir plus

Rapport de recherche : irsst.info/r-1159

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