Assurer la sécurité du lieu de travail est une affaire complexe imposant des obligations à tous

Par Tatiana Santos de Aguilar

29 avril 2020

Printemps 2020, vol. 33/1

Le 18 mai 2018, la Cour suprême du Canada a rendu un arrêt1 dans lequel elle énonce des principes importants relatifs aux obligations des acteurs en santé et sécurité du travail.

Dans cette affaire qui émane de la Colombie-Britannique, un travailleur forestier décède à la suite d’un accident du travail. Il est frappé par un arbre en décomposition alors qu’il effectue un travail dans un secteur pour lequel West Fraser Mills (WFM) détient un permis d’exploitation forestière. WFM est donc considérée comme étant « propriétaire » du lieu de travail par la loi2, bien qu’elle ne soit pas l’employeur du travailleur décédé. Après avoir mené une enquête relativement à cet accident mortel, la Workers’ Compensation Board de la Colombie-Britannique (WCB)3 conclut que l’arbre aurait dû être abattu avant les travaux de coupe. Conséquemment, elle retient que WFM a commis des manquements dans la planification et l’organisation du travail, le tout en contravention de la réglementation applicable. Une pénalité administrative lui est donc infligée. Le Workers’ Compensation Appeal Tribunal rejette l’appel de WFM, tout en réduisant le montant de la pénalité. La Cour suprême et la Cour d’appel de la Colombie Britannique confirment l’ordonnance du Workers’ Compensation Appeal Tribunal.

Saisie en dernière instance de cette affaire, la Cour suprême du Canada devait trancher deux questions. La première : l’adoption du règlement en vertu duquel la pénalité était imposée résultait-elle de l’exercice raisonnable du pouvoir de réglementation délégué à la WCB ? La majorité de la Cour conclut sur cet aspect que le pouvoir conféré par la loi est suffisamment large pour permettre à la WCB d’imposer des obligations au propriétaire d’une exploitation.

Dans un deuxième temps, la Cour devait déterminer si WFM pouvait se faire imposer une pénalité alors que l’article de la loi prévoit que de telles sanctions peuvent être imposées à un employeur. N’étant pas l’employeur du travailleur, WFM, qui est plutôt propriétaire du lieu de travail, pouvait-elle se voir imposer une telle sanction? Deux interprétations de cet article étaient possibles, mais opposées. Selon la majorité de la Cour, celle proposée par WFM est étroite et ne permet pas d’atteindre les objectifs de la loi. L’autre interprétation, celle retenue par la Cour, au contraire est large et a l’avantage de reconnaître la complexité du chevauchement et de l’interaction des fonctions sur le lieu de travail. Elle favorise également la réalisation des objectifs de la loi et du régime établi par celle-ci. La majorité de la Cour répond alors par l’affirmative : WFM pouvait se faire imposer une pénalité. En finalité, elle rappelle qu’une interprétation large doit prévaloir : assurer la sécurité du lieu de travail est une affaire complexe imposant des obligations à tous les acteurs. WFM possédait donc du lieu de travail « des connaissances et une maîtrise suffisantes pour avoir l’obligation d’assurer sa sécurité ». Ce faisant, la Cour suprême confirme ainsi la responsabilité commune du propriétaire et de l’employeur à l’égard des travailleurs4.

Cet arrêt nous rappelle donc l’importance des lois en matière de prévention qui, pour assurer la protection du travailleur, prévoient des mesures pour tous les acteurs.

  1. West Fraser Mills Ltd. c. Colombie- Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal), 2018 CSC 22.
  2. La Workers Compensation Act.
  3. Il s’agit de l’organisme chargé de l’indemnisation des travailleurs en Colombie-Britannique, équivalent de la CNESST au Québec.
  4. Ce qui n’est pas sans rappeler les propos de notre cour d’appel dans l’arrêt Sobey’s. 2012 QCCA 1329.

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