S’adapter aux changements climatiques en milieu de travail

Par KAROLANE LANDRY

27 juin 2023

Les températures se réchauffent chaque année au Québec : de 1950 à 2011, elles ont augmenté de 1 à 3 degrés Celsius, un phénomène attribué aux changements climatiques. Bien que la préoccupation environnementale soit sur toutes les lèvres, les conséquences de ce réchauffement pour les travailleuses et les travailleurs n’ont que très peu été abordées, bien qu’elles présentent de véritables enjeux pour leur santé et leur sécurité.

L’IRSST, en collaboration avec l’Université de Montréal et l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), a donc réalisé une recherche chapeautée par Joseph Zayed qui propose des mesures d’adaptation visant à protéger les personnes concernées.

Analyse des données

Les changements climatiques comportent plusieurs risques : vagues de chaleur, précipitations extrêmes, inondations, polluants de l’air, rayonnement ultraviolet, maladies vectorielles transmissibles, etc. Mais quels sont ceux que les milieux de travail doivent aborder en priorité ? Voilà la question que s’est posée le groupe de recherche dans le premier volet de l’étude. Parmi une liste de dix dangers liés aux changements climatiques, deux sont sortis du lot : la hausse des événements météorologiques extrêmes et la hausse des épisodes de fortes chaleurs. Le nombre de travailleuses et de travailleurs touchés, l’étendue des répercussions économiques et l’ampleur des effets sanitaires figurent parmi les critères ayant permis aux scientifiques d’arrêter leur choix.

Parmi ces deux dangers, seule la hausse des épisodes de fortes chaleurs a fait l’objet d’une recherche étoffée en raison d’un nombre élevé de travailleuses et de travailleurs qui y sont très à risque.

« À l’aide de la Classification nationale des professions, qui contient 500 métiers, nous avons noté chacun d’entre eux face aux deux dangers avec des critères précis. Au final, 50 professions étaient très touchées par la hausse des épisodes de fortes chaleurs et 12 par la hausse des événements météorologiques extrêmes », note Bouchra Bakhiyi, agente de recherche à l’Université de Montréal.

L’équipe scientifique a donc réservé la suite de l’étude exclusivement à l’adaptation aux hausses des épisodes de fortes chaleurs. « La plupart des gens pensent que seuls les travailleuses et travailleurs à l’extérieur, exposés au soleil, sont concernés. Cependant, les travailleuses et les travailleurs actifs à l’intérieur peuvent aussi être touchés. Dans les deux cas, on parle de contrainte thermique qui est influencée par le climat et les tâches » démystifie la chercheuse. Les secteurs de la construction, de l’agriculture, de la foresterie, du transport par camion, de la transformation des métaux, de la sécurité incendie et des travaux publics sont parmi les plus touchés. « Par exemple, les travailleuses et travailleurs en cuisine, lors de périodes de fortes chaleurs, sont extrêmement vulnérables. Cette hausse de température peut mener à l’incapacité d’autorégulation de la température corporelle, la déshydratation, des troubles cardiovasculaires, un manque de vigilance et ultimement, des décès », illustre Ariane Adam-Poupart, conseillère scientifique spécialisée à l’INSPQ.

Pour qualifier l’ambiance d’un milieu de travail d’excessivement chaude, il faut y enregistrer une température de plus de 32º C WBGT (indice de température au thermomètre à globe à boule humide), dont le calcul est basé sur l’évaluation de l’effet de l’humidité et du rayonnement sur la température que ressent le travailleur ou la travailleuse.

Une recherche en coconstruction

La deuxième étape de l’étude consistait à trouver des mesures d’adaptation aux hausses de fortes chaleurs à l’aide d’une revue de la littérature. « Il fallait documenter les mesures d’adaptation pour les 50 professions. Nous n’en avons trouvé que pour 24. Il fallait donc compléter pour les 26 restantes », explique Bouchra Bakhiyi.

Les scientifiques ont ainsi organisé des rencontres avec des parties prenantes représentant la plupart des secteurs d’emploi concernés. « Ce que nous avons fait est assez original et novateur. Toutes les mesures d’adaptation de cette recherche sont coconstruites. Nous avons pu valider leur réalisme en milieu de travail », mentionne Joseph Zayed, l’investigateur principal de la recherche. Aucune idée innovante n’ayant émergé pour compléter la revue de la littérature au cours de ces réunions, l’équipe de chercheuses et chercheurs a utilisé une méthode par association. « En cherchant des similitudes avec les 24 professions déjà documentées, nous avons pu terminer l’inventaire des mesures d’adaptation. Nous les avons ensuite fait valider par les parties prenantes lors d’un deuxième rendez-vous », poursuit Bouchra Bakhiyi.

Des mesures d’adaptation simples et efficaces

Les mesures correctives et préventives qui existent déjà sont groupées en quatre catégories :

  • Surveillance de la contrainte thermique à l’aide d’indices, comme le WBGT ou la température de l’air corrigée, ou surveillance de l’astreinte thermique au moyen d’outils de vérification de la fréquence cardiaque et/ou de la température corporelle ;
  • Mesures administratives, incluant la planification et l’aménagement du travail, la formation et les programmes de sensibilisation, ainsi que des protocoles d’hydratation mieux adaptés ;
  • Mesures d’ingénierie, notamment au moyen de la mécanisation des tâches, de l’utilisation de ventilateurs ou de machinerie pour simplifier le travail humain ;
  • Mesures de protection individuelle, comme le choix de vêtements de travail faits de tissus adaptés ou le port de vestes de refroidissement.

Certaines de ces mesures simples peuvent être intégrées à peu de coûts dans les milieux de travail, en particulier celles qui sont d’ordre administratif, à savoir la formation continue, l’alternance travail-repos judicieuse et l’hydratation renforcée.

« La plupart des mesures existent depuis plusieurs années parce que les chaleurs sont déjà très bien documentées. Les nouveautés concernent surtout des améliorations du calcul des indices de contrainte et de l’astreinte thermique, de même que l’usage de protections individuelles. Nos conclusions sont toutefois de renforcer la surveillance de l’astreinte thermique. Elle permet de protéger plus adéquatement la santé des travailleurs dans un contexte de contrainte thermique », ajoute Bouchra Bakhiyi.

Des outils de transfert de connaissances seront offerts aux parties prenantes pour les aider à appliquer ces recommandations dans leur milieu de travail.

Astreinte et contrainte thermique : quelles différences ?

La réglementation définit la contrainte thermique comme « tout déséquilibre thermique chez le travailleur causé par un travail en ambiance chaude ». À ce titre, on peut considérer qu’il s’agit d’une accumulation de chaleur chez les travailleuses et travailleurs. Cette accumulation n’est pas uniquement liée à la température extérieure, mais aussi aux vêtements et aux équipements qu’ils portent, à leur activité et à la durée de leur exposition.

L’astreinte thermique est la réponse physiologique d’une personne à une contrainte thermique pour maintenir sa température corporelle dans les valeurs normales (36 à 38oC). Elle se manifeste par l’augmentation de la fréquence cardiaque, de la température et de la production de sueur. Si elle s’élève trop, elle peut entraîner une perte hydrique non compensée, voire la déshydratation.

Pour en savoir plus

Rapport (tome 1) : irsst.info/r-1169
Rapport (tome 2) : irsst.info/r-1170

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