Mieux évaluer la perméabilité des gants de polymère
Par Maxime Bilodeau
14 février 2023
Photo : Istock
Grâce à une technologie et à une méthode à très haute sensibilité inédites qu’une équipe de recherche financée par l’IRSST ont mises au point, on sait désormais que les gants médicaux jetables font bel et bien barrage à certains contaminants.
Les gants de polymère figurent parmi les équipements de protection individuelle les plus utilisés. Et pour cause : ils peuvent empêcher que des contaminants endommagent les mains. Aux États-Unis seulement, environ 13 millions de travailleurs seraient en contact fréquent avec de telles matières dangereuses, lesquelles peuvent causer des lésions. C’est pourquoi on mesure la résistance chimique des gants en nitrile, plus rarement en latex, au moyen de méthodes d’essais précises et standardisées. Ainsi, on recourt à une cellule de diffusion de type Franz, un petit appareil muni de deux réservoirs, un donneur et un receveur, séparés par la membrane dont on veut mesurer le potentiel de barrière.
Au fur et à mesure du test de perméation, le contaminant passe au travers de la membrane soumise à l’épreuve. L’échantillonnage du milieu collecteur permet ainsi d’apprécier le temps de résistance de la membrane poreuse au passage des contaminants et la vitesse à laquelle ils y pénètrent. Certains contaminants nanométriques posent toutefois problème. « La mesure de nanoparticules doit souvent être effectuée au moyen de technologies de mesures particulières en lot, qui ne permettent pas une acquisition de données en temps réel. L’extraction d’échantillons liquides dans la cellule ouvre la porte à des erreurs de manipulation. En outre, on finit par perturber la dynamique de diffusion qu’on essaie d’étudier », explique Marc-André Fortin, chercheur et professeur au Département de génie des mines, de la métallurgie et des matériaux de l’Université Laval.
Pour contourner ces écueils, le chercheur et ses collaborateurs ont mis au point une méthode et une technologie à très haute sensibilité, toutes deux inédites. « Nous avons conçu une cellule de diffusion adaptée à l’imagerie nucléaire par tomographie par émission de positons (TEP). Puis, nous avons développé une procédure qui permet de visualiser et de mesurer le passage de nanoparticules marquées par un atome radioactif à travers des membranes de polymère sur de longues périodes », spécifie le chercheur, qui est aussi directeur du Laboratoire de biomatériaux pour l’imagerie médicale du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec.
Des gants performants
La TEP se base sur l’utilisation de radioisotopes, lesquels doivent avoir une demi-vie assez longue pour être détectables pendant des heures. « Une cellule de diffusion opérée sous TEP, à cause de la présence de radioisotopes attachés aux nanoparticules, permet de produire un profil dynamique de diffusion en temps réel. La sensibilité de détection se trouve multipliée par 1 000 par rapport à celle qu’offrent les techniques conventionnelles », souligne le chercheur. Concrètement, cela signifie qu’il est possible de cerner un moment précis à partir duquel le contaminant type – des nanoparticules d’or – radiomarquées passent au travers des membranes – de nitrile ou de latex – mises à l’épreuve.
« Nous avons voulu être fidèles à la réalité et acquérir des données sur des produits utilisés en médecine, dans les laboratoires biomédicaux et les cliniques de médecine nucléaire des centres hospitaliers, par exemple », indique Marc-André Fortin. Cinq types de gants médicaux, chirurgicaux ou d’examen, tous jetables, ont été retenus, trois de nitrile et deux de latex. Les seconds sont « plus épais que les gants de nitrile et ont été sélectionnés à titre de gants contrôle », lit-on dans le rapport intitulé Mesures à haute sensibilité du passage de contaminants nanométriques à travers les gants de protection par imagerie médicale. Les membranes de ces gants ont été caractérisées et soumises à des essais de perméation.
Bonne nouvelle : les performances des gants de polymère testés sont assez bonnes pour assurer la protection des travailleurs qui y recourent dans leurs fonctions. Il aura fallu plus de trois heures pour que le contaminant type apparaisse de l’autre côté du compartiment accepteur, ce qui est largement supérieur à de la période d’usage normale de moins de deux heures de ce type d’équipement de protection individuelle. « En deçà de deux heures, une infime fraction de particules d’or avait pénétré la membrane, raconte l’expert. On peut donc dire que ces gants offrent une excellente protection cutanée contre les nanoparticules de très petite taille utilisées dans le domaine biomédical. »
Les virus aussi
Cette technologie, perfectionnée de 2017 à 2021, est aussi très utile pour détecter des contaminants habituellement très difficiles à déceler avec les techniques de mesure usuelles. C’est entre autres le cas des virus, comme le SRAS-CoV-2, responsable de la COVID-19. Marc-André Fortin et ses collaborateurs ont d’ailleurs répliqué leurs travaux, mais cette fois en utilisant un virus du VIH atténué comme contaminant type, soit une entité virale d’une taille de l’ordre de 100 nm. Résultat ? « S’ils utilisent des gants de bonne qualité, ayant été testés selon des procédures normées et reconnues pour l’utilisation dans le milieu médical, les travailleurs n’ont rien à craindre. Le risque est globalement très faible », rapporte le chercheur.
Pour en savoir plus
Rapport de recherche : irsst.info/r-1162
Capsule vidéo : savoir.media/clip/incursion-au-labo-les-gants-contre-les-virus