Travaux en tranchées : une technologie japonaise testée en sol québécois

Par KAROLANE LANDRY

27 Décembre 2022

Photo : Istock

Chaque année sur les chantiers de construction, des effondrements de parois dans des tranchées blessent ou tuent plusieurs travailleurs. Que ce soit pour accéder à la conduite d’un égout sanitaire ou pour effectuer des travaux sur la fondation d’un immeuble, par exemple, il s’agit en effet d’un risque important. C’est pourquoi, en collaboration avec leurs homologues du National Institute of Occupational Safety and Health, Japon (JNIOSH), des chercheurs de l’IRSST ont testé un système d’alerte de sécurité qui prévient les travailleurs d’un effondrement imminent.

De 1973 à 2015, on a recensé 51 décès et 25 accidents graves de cette nature au Québec. Les effondrements dans les tranchées, aussi minimes soient-ils, peuvent blesser et tuer ceux qui s’y trouvent. « Le sol est très pesant. On parle d’environ 1,5 à 1,8 tonne par mètre cube, explique Bertrand Galy, chercheur à l’IRSST. Ce que peu de gens savent aussi, c’est que même si un travailleur n’est pas enfoui complètement, même si c’est juste ses jambes, par exemple, lorsqu’on le sortira, il y a un risque qu’il décède dans les heures qui suivent. C’est ce qu’on appelle le syndrome de l’écrasement ou de Bywaters », ajoute-t-il. La compression des muscles et des organes produit en effet des toxines et des enzymes qui s’étendent à tout le corps avec la circulation sanguine, un phénomène découvert durant la Première Guerre mondiale.

Prévenir les accidents

Pour échapper à de telles conséquences, les entreprises appliquent déjà des mesures de prévention, dont l’excavation des pentes à un angle sécuritaire propre à chaque chantier et en fonction du type de sol, ou l’étançonnement solide des parois de l’excavation selon les plans et devis d’un ingénieur. Malgré cela, les travailleurs qui s’activent dans des tranchées non soutenues ne sont pas à l’abri d’un glissement de terrain. Dans un tel cas, leur capacité à évacuer la cavité avant qu’elle s’effondre peut tout changer. Des études démontrent toutefois que les travailleurs n’ont pas toujours le temps d’en sortir, pour diverses raisons : le temps écoulé entre la fin de l’excavation et un effondrement les amène à mal évaluer la stabilité de la masse de sol, des phénomènes de fluage surviennent avant l’effondrement, ou les mouvements de terrain sont initialement trop faibles pour être détectés par simple observation. « Il n’y a pas de signes visuels avant-coureurs de l’effondrement d’une tranchée », explique Bertrand Galy. Le dispositif d’avertissement Mini Pipe Strain Meter (MPSM), que le JNIOSH a créé, est donc favorablement accueilli. Il permet de mesurer l’augmentation de la déformation de cisaillement dans le sous-sol peu profond des remblais. Installé dans la tranchée avant le début des travaux, il émet des signaux d’alerte visuels et sonores plusieurs minutes avant un effondrement. Il prévient ainsi les travailleurs, qui doivent quitter les lieux rapidement. Facile d’utilisation, le MSPM peut être implanté dans le sol en moins de 10 secondes à l’aide d’une perceuse portative ou en quelques minutes avec une clé à molette.

Des tests en laboratoire au japon

Les Japonais ont d’abord effectué des tests en laboratoire sur un sol d’origine volcanique, typique de leur pays : la glaise de Kanto, qui n’existe pas au Québec. « C’est un sol pulvérulent, donc granulaire et sec, à moins qu’une nappe phréatique se trouve à proximité », mentionne Bertrand Galy. Des effondrements de parois ont donc été simulés, avec des résultats probants. Le MPSM a réagi au mouvement du sol et à la déformation de sa flexion. Quelques minutes avant l’éboulement, il a émis son signal et les travailleurs auraient alors eu quelques minutes pour évacuer la tranchée.

Le sol québécois au banc d’essais

À la suite de ces expériences positives en laboratoire, il fallait tester l’appareil sur un autre type de sol. L’argile grise de la mer de Champlain, que l’on trouve dans plusieurs zones habitables du Québec, se prête parfaitement à une telle expérience. « Cette argile a été formée par des dépôts marins, il y a plusieurs milliers d’années », ajoute le chercheur.

Cette fois, le dispositif a été testé lors d’essais terrain à Louiseville, en Mauricie, dans les parois verticales de deux excavations non étançonnées. « Les résultats ont aussi été concluants : une alerte d’urgence (feu rouge) a été générée près de 50 secondes avant la rupture complète de la tranchée. S’il y avait réellement eu des travailleurs à l’intérieur, ils auraient eu le temps de se déplacer et de s’éloigner de la paroi verticale. Le MSPM détecte les mouvements du sol, les travailleurs peuvent donc rester vigilants en tout temps », se réjouit Bertrand Galy. Un premier signal d’avertissement (feu jaune) avait aussi été déclenché 22 minutes avant l’effondrement complet de la paroi.

En combinaison avec d’autres mesures de prévention

« Pour l’instant, on ne peut pas uniquement se fier à ce dispositif. Il pourrait servir de protection supplémentaire, mais avant d’y poser toute sa confiance, des tests supplémentaires devront être effectués sur plusieurs autres types de sols présents au Québec », insiste le chercheur. Le MPSM fonctionne bien sur le plan technique, mais d’autres essais sont également nécessaires pour évaluer sa validité et son utilisation conformément au Code de sécurité pour les travaux de construction.

Pour en savoir plus

Rapport de recherche : irsst.info/r-1124
Informations complémentaires sur la classification des sols :
irsst.info/r-1144
irsst.info/ra-1144

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