Contenants de produits inflammables
Jouer avec le feu
Par Karolane Landry
6 Décembre 2022
On les retrouve dans de nombreux milieux de travail au Québec : chantiers de construction, fermes, garages automobiles, usines… Les produits inflammables ont des utilisations variées. La manipulation et le nettoyage des contenants dans lesquels ils se trouvent peuvent exposer les travailleurs à des risques d’incendie et d’explosion. Toutefois, avec des mesures de prévention adéquates, il est possible d’assurer la santé et la sécurité de ces travailleurs. Mohamad-Ali Daoui, chimiste et conseiller expert en prévention-inspection à la CNESST, nous en dit plus sur le sujet.
Plusieurs types de contenants peuvent contenir des produits inflammables. Dans les entreprises, ces produits sont souvent conservés dans des barils pouvant contenir jusqu’à 208 litres (55 gallons) de liquide. Des travailleuses et des travailleurs peuvent décider de réutiliser les barils vides ou de les transformer, par exemple en y ajoutant des roulettes. Ils peuvent aussi avoir à les manipuler pour différentes raisons. En outre, les camions-citernes qui transportent des produits pétroliers ont parfois à subir des réparations. Les travailleuses et les travailleurs doivent alors les vider complètement pour effectuer des travaux de soudage. C’est lors de ces travaux que les risques d’explosion augmentent. « Plusieurs décès sont survenus alors que des travailleuses et des travailleurs ont tenté de donner une deuxième vie à des barils ayant contenu des produits inflammables ou de réparer une citerne de façon non sécuritaire », explique Mohamad-Ali Daoui.
Qu’est-ce qu’un produit inflammable?
Pour déterminer la température à laquelle les vapeurs d’un liquide s’enflamment au contact d’une source d’ignition, il faut connaître son point d’éclair. Cette propriété physicochimique correspond à la température la plus basse à laquelle un produit dégage assez de vapeurs pour former avec l’air un mélange inflammable au contact d’une flamme ou d’une étincelle. « Le point d’éclair permet notamment de classer et de catégoriser un produit inflammable dans le SIMDUT », explique M. Daoui. Ainsi, plus le point d’éclair est bas, plus le liquide risque de prendre feu facilement. Par exemple, l’acétone a un point d’éclair de -20 degrés Celsius. « Cela veut dire que, même dans un réfrigérateur, l’acétone peut s’enflammer, poursuit l’expert. À l’opposé, les produits qui ont des points d’éclair à 85 degrés Celsius ont besoin d’une température beaucoup plus élevée pour s’enflammer. »
Les paramètres d’une explosion
On parle souvent de produits inflammables et de risques d’explosion, mais quels sont les paramètres pour qu’un tel événement se produise? Pour qu’une explosion survienne, six paramètres doivent être généralement réunis : présence de combustible (produit), combustible en suspension (gaz, aérosol, poussière dans l’air), source d’inflammation (chalumeau, etc.), confinement (camion-citerne, baril, etc.), comburant (oxygène de l’air) et atteinte du domaine d’explosivité. Lorsque ces conditions sont présentes, de graves accidents de travail peuvent survenir. C’est pourquoi il est important de prendre les mesures nécessaires pour protéger l’intégrité physique et psychique des travailleuses et les travailleurs.
Bien connaître le produit inflammable
Avant d’effectuer une manipulation sur un contenant qui renfermait un produit inflammable, il est impératif de connaître la nature de la substance qui s’y trouvait. Les produits dangereux provenant de fournisseurs sont accompagnés d’une fiche de données de sécurité (FDS). Cette fiche fournit plusieurs informations pertinentes, dont la classification SIMDUT du ou des produits dangereux. On peut également retrouver ses propriétés physicochimiques, la méthode d’entreposage, les risques d’explosion ou de décomposition, l’environnement dans lequel il faut utiliser le produit, sa toxicité, ses incompatibilités et la façon de l’éliminer. « La FDS comprend les éléments essentiels pour la manipulation sécuritaire d’un produit dangereux. Elle est un outil indispensable pour prévenir les accidents en milieu de travail », mentionne M. Daoui.
Manipuler les contenants de façon sécuritaire
Tous les contenants ayant contenu des produits inflammables doivent être manipulés selon des règles particulières. « D’abord, il faut se demander si leur réutilisation est essentielle. Si l’on peut l’éviter, on priorise l’élimination du danger à la source », précise M. Daoui. Lorsque la réutilisation est nécessaire, le contenant doit être complètement vidé de manière sécuritaire. Il est aussi recommandé de le manipuler à l’extérieur, dans un endroit non confiné. Selon le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST), avant d’effectuer des travaux de soudage, de coupage ou de chauffage d’un contenant, il faut avant tout s’assurer que celui-ci n’a pas déjà contenu des matières combustibles ou susceptibles de dégager des vapeurs inflammables sous l’effet de la chaleur. « Il n’en faut pas beaucoup. Une seule cuillerée à soupe de méthanol ou d’acétone dans un baril 208 litres (55 gallons) suffit pour qu’il y ait assez de vapeur pour provoquer une explosion mortelle », prévient l’expert. Si tel est le cas, aucun travail à chaud ne peut être réalisé sur le contenant avant que celui-ci soit adéquatement nettoyé.
Après le lavage fait en fonction des propriétés des substances à déloger, il faut relever la concentration des vapeurs et des gaz inflammables avec un détecteur. S’il subsiste des risques d’explosion, le travail à chaud peut être effectué si l’une ou l’autre des conditions suivantes est satisfaite : le récipient est purgé avec des gaz inertes ou rempli d’eau jusqu’à quelques centimètres du point de soudage, de coupage ou de chauffage et l’espace restant est ventilé pour permettre l’évacuation de l’air chaud.
Des accidents qui auraient pu être évités
Février 2002
Un réservoir de carburant (diesel) d’un tracteur explose alors qu’un travailleur effectue des travaux de soudage. Le réservoir n’avait pas été nettoyé avant de procéder au soudage et il n’y avait aucune ventilation lors des travaux.
Août 2008
Cinq barils contenant des restes d’essence d’avion sont apportés dans un atelier. Un travailleur coupe l’un des couvercles à l’aide d’une rectifieuse. Soudainement, le baril explose et entraîne la mort du travailleur. Dans ce cas-ci, la formation du personnel au sujet des produits dangereux était déficiente.
Novembre 2011
Un travailleur effectue des travaux de réparation dans la chambre à combustion d’une fournaise. L’allumage des vapeurs inflammables d’un nettoyant pour frein, introduit dans l’espace confiné sous la chambre à combustion, provoque une explosion entraînant la mort du travailleur. Le soudage réalisé en présence de vapeurs inflammables dans un espace clos est en cause.
Le 30 mai 2016, un travailleur réparait une fuite dans l’un des trois réservoirs d’une citerne. Alors qu’il se trouvait à l’intérieur pour refaire une soudure, une explosion s’est produite. Le travailleur est malheureusement décédé. Un réservoir adjacent à celui où il se trouvait contenait du diesel. Les travaux de soudage sur les camions-citernes sont très particuliers : même si le réservoir avait été nettoyé, des vapeurs de diesel en quantité suffisante et la chaleur du soudage ont créé les conditions parfaites pour une détonation.
Lorsque des travaux à chaud sont réalisés dans des espaces clos, un détecteur de gaz doit repérer la présence de vapeurs inflammables en continu. Puisqu’il n’est pas toujours possible de mettre de l’eau dans une citerne, comme prévu au Règlement, la purge à l’aide d’un gaz inerte permet, entre autres, d’éliminer les risques d’incendie et d’explosion. « Les gaz inertes sont soufflés en tout temps pendant les travaux. Ce faisant, le comburant est éliminé. Sans oxygène dans l’air, l’explosion n’est plus possible », explique Mohamad-Ali Daoui. L’employeur doit déterminer une méthode sécuritaire lors d’opérations similaires. Pour cela, il peut s’appuyer sur des règles comme les normes NFPA (ex. : NFPA 51B : Standard for Fire Prevention During Welding, Cutting, and Other Hot Work). Il est à noter que, lors d’une telle procédure, un appareil de protection respiratoire autonome ou à adduction d’air doit être porté puisque l’atmosphère inerte requise pour diminuer le risque d’explosion diminue également l’oxygène dont le travailleur a besoin.
Des travailleurs formés et informés
Comme c’est le cas pour tous les secteurs d’activité, la formation est la clé. Il est donc indispensable de confier ce type de tâche à une personne qualifiée. « Souvent, lorsque des accidents de travail surviennent avec des produits inflammables, les travailleuses et les travailleurs n’étaient pas informés ni conscients des risques et du danger », se désole M. Daoui. En effet, les travailleuses et les travailleurs doivent avoir reçu l’information et la formation nécessaires pour accomplir de façon sécuritaire leur travail. Ils doivent être en mesure de reconnaître les pictogrammes en lien avec les dangers, connaître les produits qui se trouvent dans le milieu de travail et comprendre les informations détaillées sur la FDS. Ces connaissances leur permettront aussi de comprendre le choix des équipements de protection individuelle et respiratoire adaptés, ce qui dépend de plusieurs facteurs, comme le travail à effectuer et la nature de la substance dangereuse. Il est à noter que c’est la responsabilité de l’employeur de former et d’informer les travailleuses et les travailleurs en lien avec les risques présents dans le milieu de travail et les mesures de prévention. En effet, les méthodes sécuritaires pour le travail à chaud doivent être connues des travailleuses et des travailleurs.
Le Répertoire toxicologique
Pour en savoir davantage sur les produits dangereux à utiliser (après avoir consulté la FDS), il est possible de consulter les fiches de renseignement du Répertoire toxicologique de la CNESST. Pour avoir des précisions supplémentaires, un service de soutien à la clientèle du Répertoire toxicologique est offert.