Les gants antivibrations au banc d’essai
Par MAXIME BILODEAU
12 juillet 2022
Une équipe de l’IRSST a rivalisé d’ingéniosité pour évaluer l’efficacité de gants antivibrations tout en tenant compte de leurs effets sur la facilité des travailleurs à accomplir leurs tâches.
Les gants antivibrations servent à réduire les niveaux d’exposition aux vibrations mainsbras. Faits de pochettes d’air ou de matériaux viscoélastiques, ils sont portés par des opérateurs d’outils portatifs vibrants, aussi bien électriques, pneumatiques et rotatifs qu’à percussion. Leur potentiel de réduction de l’exposition aux vibrations reste encore limité, mais ils pourraient contribuer à amoindrir le risque de développer diverses maladies professionnelles, par exemple le syndrome de Raynaud. Chaque année, de 20 à 30 travailleurs québécois sont indemnisés pour des lésions liées à cette atteinte vasculaire, mieux connue sous le nom de « maladie des doigts blancs ».
À l’heure actuelle, l’efficacité des gants antivibrations est évaluée en laboratoire selon un protocole que décrit la norme ISO 10819:2013, laquelle ne s’attarde toutefois qu’à la transmission des vibrations à la main, plus spécifiquement à la paume. « Elle ne mesure pas ce qui se passe au niveau des doigts. En outre, elle ne tient pas compte de l’effet du port de ces gants sur la dextérité manuelle et l’effort de préhension », constate Pierre Marcotte, chercheur à la Direction de la recherche de l’IRSST.
Cela pose problème. Les travailleurs qui portent de tels gants pour accomplir leur boulot rapportent s’en sentir gênés. Certains déplorent notamment une perte de force musculaire dans la main lors de la saisie d’objets. « Ce sont des commentaires qu’on entend souvent dans les milieux de travail. Étant membre du comité canadien consultatif du comité international ISO TC 108/SC 4 – Exposition des individus aux vibrations et chocs mécaniques, je me suis dit qu’il serait intéressant d’améliorer l’évaluation globale de ces gants », raconte le chercheur.
Méthode novatrice
Avec l’aide de collègues de l’IRSST et de l’Université Concordia, l’équipe de Pierre Marcotte a sélectionné 10 paires de gants antivibrations de différents fabricants, puis ont caractérisé Avec l’aide de collègues de l’IRSST et de l’Université Concordia, l’équipe de Pierre Marcotte a sélectionné 10 paires de gants antivibrations de différents fabricants, puis ont caractérisé leurs propriétés mécaniques. Des gants faits de matériaux viscoélastiques avec des pochettes d’air, certes, mais également des modèles hybrides, en caoutchouc et en tissu, faisaient partie du lot. « L’idée n’était pas de chercher à recommander certains modèles de gants plutôt que d’autres. Nous voulions plutôt un échantillonnage représentatif de ce qu’on trouve actuellement sur le marché », nuance Pierre Marcotte.
L’équipe de chercheurs s’est inspirée de travaux similaires réalisés dans le passé, notamment en ce qui a trait à la transmissibilité des vibrations à la paume de la main. Elle a néanmoins mis au point une méthode inédite à bien des égards. « Nous avons mesuré directement, par électromyographie de surface, l’activité musculaire de plusieurs muscles des avant-bras impliqués dans la préhension, explique Pierre Marcotte. Ces évaluations ont été effectuées chez 15 participants dans 11 conditions : main nue et main gantée avec chacun des 10 gants antivibrations sélectionnés. »
L’appréciation de la dextérité manuelle qu’offre les gants, évaluée au moyen de deux tests distincts, constitue un autre aspect novateur de cette recherche. « Le fait de réaliser systématiquement nos mesures chez les mêmes 15 participants dans 11 conditions permet de mieux comparer les résultats entre eux », souligne Pierre Marcotte. Finalement, la mesure des vibrations aux doigts a été effectuée grâce à des accéléromètres fixés aux phalanges intermédiaires de l’index et du majeur des sujets.
Recommandations diverses
Les chercheurs s’attendaient à ce que l’efficacité des gants antivibrations sélectionnés nuise à la force de préhension et à la dextérité manuelle. C’est exactement ce qu’ils ont découvert à l’issue de leurs travaux, à quelques nuances près. « Le matériau de couverture du gant [sur sa face supérieure] semble avoir une influence majeure. Plus il est souple, moins le gant est rigide, et ce, sans nuire à son efficacité à atténuer les vibrations », rapporte Pierre Marcotte. Autre résultat attendu : plus les gants antivibrations sont épais, plus ils diminuent les fréquences de résonance, et par le fait même la transmission des vibrations.
De manière générale, les gants antivibrations sont efficaces à la paume de la main pour des vibrations supérieures à 30 Hz. Au niveau des doigts, le degré d’atténuation à compter duquel ils s’avèrent valables est beaucoup plus élevé, soit de l’ordre de 200 Hz. « Étant donné que la majorité des outils ont une fréquence dominante inférieure à 200 Hz, les gants antivibration pourraient procurer une atténuation négligeable au niveau des doigts », interprète l’expert. Bien sûr, la dextérité manuelle et la force de préhension d’une main gantée sont toujours moindres que celles d’une main nue.
Ces découvertes constituent autant de recommandations dont devraient se saisir les fabricants de gants antivibrations pour améliorer leurs produits. Pierre Marcotte insiste sur le potentiel somme toute limité de ces équipements de protection individuelle à atténuer les vibrations. « Ce ne sont pas des solutions miracles, mais bien des options de dernier recours quand la réduction à la source est impossible », insiste-t-il. Les conclusions contenues dans ce rapport de recherche pourraient à terme influencer le contenu de la norme ISO 10819:2013.
POUR EN SAVOIR PLUS
Rapport de recherche :irsst.info/r-1147