Nouvelle approche pour documenter l’exposition cutanée aux pesticides

Par Laurie Noreau

24 août 2021

Les belles pommes rouges savoureuses que l’on récolte au verger sont le fruit de nombreuses heures de travail des pomiculteurs. Comme ils doivent protéger les fruits contre les ravageurs, dont certains insectes et des maladies fongiques, ils utilisent souvent des pesticides. Une étude récente de l’IRSST révèle que les producteurs de pommes peuvent être fortement exposés à ces produits.

Au cours d’une étude exploratoire parue en 2018, les chercheurs avaient déjà rencontré cinq propriétaires exploitants de vergers pour documenter les principales situations les exposant à des pesticides. Partant de ces données, ils ont voulu observer de plus près deux circonstances particulièrement problématiques : l’étape de préparation-remplissage de la bouillie (préparation de pesticides pour l’arrosage) et les travaux effectués au verger, notamment l’éclaircissage manuel des pommes.

Cette fois, cinq nouveaux pomiculteurs ont participé à l’étude. Les participants ont d’abord revêtu un vêtement collecteur de type Tyvek©, puis ont été filmés pendant qu’ils exécutaient les deux tâches ciblées pour documenter l’exposition cutanée potentielle aux pesticides. À la fin de leur travail, le vêtement a été découpé et analysé pour déterminer avec quel contaminant et en quelle quantité ils avaient été en contact. Les vidéos ont aussi été analysées pour cibler et dénombrer les contacts entre les producteurs et des sources d’exposition.

Cette approche mixte, alliant mesure de l’exposition et analyse vidéo, a validé certaines situations d’exposition qu’une seule des deux méthodes n’aurait pu mettre en lumière. « Par exemple, un des producteurs avait un certain niveau d’exposition sur son ventre, explique Caroline Jolly, ergonome et professionnelle scientifique à l’IRSST. Au moment du visionnement, nous l’avons vu appuyer le bidon de pesticides sur son ventre pour enlever une étiquette. Nous n’aurions pas pu faire ce lien uniquement à partir des mesures. » En tout, 28 situations d’exposition de la tâche de préparation- remplissage ont été répertoriées.

La méthode appliquée pour mener cette étude visait à documenter l’exposition aux pesticides en cours d’utilisation, mais également les résidus de ces produits. Les analyses des vêtements collecteurs ont révélé la présence de douze matières actives lors de la tâche de préparation-remplissage. Cependant, les producteurs n’en avaient effectivement manipulé que cinq durant la collecte de données. Les autres provenaient de pulvérisations antérieures, parfois remontant à plusieurs années. En effet, l’analyse des séquences vidéo a démontré que les situations d’expositions semblent plutôt provenir des équipements servant à préparer le mélange, par exemple les contenants ou les sacs, que des produits pulvérisés. Selon la scientifique, une mesure des aérosols et un plus grand nombre de frottis réalisés sur les équipements permettraient de dresser un portrait plus juste des sources de contaminations.

Le captane, une matière active présente dans des fongicides, a été retrouvé lors de chacune des observations, même lorsque le participant n’en avait pas manipulé. Les valeurs mesurées sur le vêtement collecteur apparaissent élevées au regard des tables d’exposition de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA).

La tâche d’éclaircissage manuel des pommes, quant à elle, nécessite un contact étroit entre le producteur et le feuillage des pommiers. L’analyse a ainsi montré que chaque partie du vêtement portait des traces de pesticides. Dans le cas de certains producteurs, les valeurs de captane mesurées étaient même plus élevées à la suite des travaux au verger que de la tâche de préparation-remplissage.

« Les mesures ont toujours été faites en respectant les délais de réentrée, c’est-à-dire le délai minimal entre l’application du produit et le retour des travailleurs au verger pour assurer des travaux sécuritaires, assure Caroline Jolly. Cependant, avec les résultats que nous avons obtenus, cela nous amène à remettre ces délais en question », note-t-elle.

Des échanges fructueux

Tous les participants ont ensuite été invités à prendre part à des entretiens avec l’équipe de recherche, d’abord de façon individuelle. En visionnant les séquences vidéo captées au verger et en consultant les résultats des mesures, les producteurs ont pris conscience de leur exposition aux pesticides et ont pu ainsi réfléchir à des pratiques de prévention. Puis, tous ceux qui avaient participé à l’étude se sont assis autour d’une table à l’occasion d’un atelier d’échange. Ils ont à nouveau visionné des séquences vidéo, qu’ils étaient invités à commenter. Les discussions ont été fructueuses. « Cela les a amenés à constater que pour une même opération, par exemple transvider la bouillie dans le pulvérisateur, presque chacun faisait les choses différemment. »

À l’écoute des agriculteurs

Une soixantaine de pratiques de prévention ont émergé de ces échanges. Pour Caroline Jolly, il est crucial que ces pratiques soient élaborées en étroite collaboration avec les agriculteurs concernés, en les incluant dans le processus. « C’est important que les problèmes qu’on soulève, mais aussi les solutions qu’on envisage, soient en adéquation avec les réalités de leur travail. »

Les 61 pratiques de prévention listées dans le rapport ne constituent pas une prescription pour les pomiculteurs. « L’idée n’est pas d’imposer des pratiques en particulier. Cette liste permet aux producteurs de s’inspirer et de voir que pour leur situation particulière, ils ont le choix entre différentes pratiques de prévention. »

Si chacune de ces actions a le potentiel de réduire ou de limiter l’exposition cutanée des producteurs aux pesticides, il reste que l’efficacité de ces mesures de prévention n’a pas été démontrée, et devra être vérifiée ultérieurement. « On suppose que ces pratiques réduisent l’exposition, mais on n’en a pas la preuve. Est-ce que certaines pratiques ne vont pas exposer les producteurs à d’autres risques, des troubles musculosquelettiques par exemple? On ne veut pas non plus déplacer le problème », conclut Caroline Jolly.

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