Un masque efficace, mais contraignant

Par Maxime Bilodeau

20 mars 2020

Printemps 2020, vol. 33/1

Le port d’un appareil de protection respiratoire de type P100 augmente les contraintes physiologiques, surtout en environnement humide.

L’amiante, la silice cristalline et les moisissures figurent parmi les pires ennemis des travailleurs de la construction. Lorsqu’ils sont inhalés, ces contaminants aéroportés peuvent provoquer de graves lésions professionnelles, l’invalidité, voire la mort. Le port d’un appareil de protection respiratoire (APR) permet de réduire les risques d’exposition à ces substances dangereuses, mais il s’agit d’un dernier recours, dans les cas où le contrôle à la source et la mise en place de mesures administratives s’avèrent insuffisants. L’APR de type demi-masque avec filtre P100, qui retient 99,97 % des particules, est alors privilégié.

Bien qu’efficaces, ces masques peuvent être désagréables à porter, en particulier dans des conditions météorologiques difficiles. « Il a été observé, sur les chantiers de construction, que les températures élevées poussent les travailleurs à le retirer ou à ne carrément pas le porter. Le masque semble gêner leur respiration », explique Denis Marchand, professeur au Département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

La faute à l’humidité

Dans leur rapport intitulé Appareil de protection respiratoire de type P100 – Les contraintes liées à l’intensité du travail et aux conditions ambiantes, Denis Marchand et son équipe se penchent sur cette question. Les deux premiers volets de leur étude ont consisté à faire passer des tests d’effort progressif à huit sujets masculins dans une chambre à environnement contrôlé. Les chercheurs ont mené des essais avec et sans le port d’un APR de type P100 dans des conditions de plus en plus chaudes (volet 1) et de plus en plus humides (volet 2). Dans le troisième volet, les mêmes participants ont évalué le confort perçu de quatre modèles d’APR de type P100 parmi les plus utilisés au Québec dans des conditions ambiantes stables.

L’augmentation de la température de 23 °C à 29 °C, puis à 35 °C, dans des conditions d’humidité relative constante de 50 %, lors d’un test d’effort sur tapis roulant, ne change rien à la contrainte qu’occasionne l’APR de type P100. Les réponses physiologiques étudiées sont semblables dans les trois cas, que le masque soit porté ou non. « Les résultats démontrent que la température ambiante, et le port de l’APR ont augmenté la perception de l’effort chez les participants sans toutefois qu’il y ait d’interaction entre ces deux facteurs. L’APR semblerait seulement causer un effet additif à la température ambiante qui aurait pour conséquence d’augmenter la perception de l’effort », lit-on dans le rapport.

Dans les conditions d’humidité relative ambiante de 30 %, 50 %, puis 80 %, à une température constante de 29 °C, les chercheurs ont noté le contraire. L’augmentation de l’humidité lors du test d’effort sur tapis roulant avec un APR de type P100 a occasionné des réponses physiologiques significatives chez les sujets, raconte le chercheur. « Leur fréquence cardiaque a augmenté dans les trois conditions [avec masque], de même que leur perception de l’effort. Cela nous indique que c’est l’humidité relative et non la température ambiante qui semble être la variable clé dans cette histoire. »

Les contraintes de tous les masques testés s’équivalent

L’évaluation par les sujets de quatre modèles d’APR de type P100 n’a pas permis d’évaluer si les caractéristiques de l’un étaient supérieures à celles d’un autre. Qu’ils soient en silicone ou en polymère, que le filtre soit de type pancake ou coque rigide, peu importe : ils entraînent un degré d’inconfort comparable qui, dans tous les cas, peut mener à une appréhension à le porter durant une journée complète. « Il semble possible que les sujets tendent à serrer trop fort les sangles des masques en silicone, et ce, même si ce n’est pas nécessaire pour en garantir l’efficacité. Nous n’avons malheureusement pas mesuré la tension exercée sur ces sangles, ce qui nous aurait peut-être fourni d’autres éléments de réponses », reconnaît Denis Marchand.

Dans une prochaine étude, le scientifique souhaite éclaircir l’effet de l’humidité relative ambiante sur le port d’un APR de type P100 lorsque des particules chargent les filtres, augmentant ainsi la résistance respiratoire que subit le travailleur. Son but : étudier des conditions d’utilisation pouvant survenir dans certains milieux de travail, comme les chantiers de construction. En attendant, les intervenants en santé et en sécurité doivent retenir que ce type de masque augmente bel et bien les contraintes physiologiques. « Lors d’une journée chaude et humide, les contremaîtres sur les chantiers devraient revoir l’horaire de travail de manière à offrir davantage de pauses. Je pense à ces journées estivales où des épisodes d’averses et de soleil intense se succèdent », conclut Denis Marchand.

Cette étude permet aussi de réaffirmer l’importance d’éliminer les dangers à la source afin de limiter les circonstances où il est nécessaire de porter un APR.

Pour en savoir plus

MARCHAND, Denis, Chantal GAUVIN, Ludovic TUDURI, Samuel CHARBONNEAU, Igor ZOVILÉ. Appareil de protection respiratoire de type P100 — Les contraintes liées à l’intensité du travail et aux conditions ambiantes, R-1069, 81 pages.

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