Brasser de la bière en toute sécurité
Par Nicolas Brasseur
20 novembre 2019
Le nombre de brasseries artisanales a explosé au cours des dernières années au Québec. En juin 2019, la province comptait 228 entreprises brassicoles détenant un permis délivré par la Régie des alcools, des courses et des jeux, selon les données de l’Association des microbrasseries du Québec, ce qui représente 97 établissements de plus qu’en 2015.
Bien que nous ne pensions pas toujours au processus de fabrication derrière la bière que nous dégustons, celui-ci comporte toutefois plusieurs risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Attention à la manutention
Dans le cadre de leur travail, il est possible que les employés d’une brasserie subissent des blessures musculosquelettiques. D’une part, les sacs de grains de malt requis pour faire de la bière peuvent peser jusqu’à 25 kg. La manutention de ceux-ci doit donc être réalisée dans les règles de l’art. « On est à la limite de ce qu’un homme peut porter. À ce moment-là, il faut que le sac soit à la bonne hauteur et près du corps. Dès qu’on le soulève ou qu’on l’abaisse, le poids maximal recommandé baisse », explique Patrick Lorazo, ingénieur et inspecteur à la Direction régionale de Montréal de la préventioninspection de la CNESST. Pascal Rizzo, inspecteur et ergonome à la Direction régionale de Laval de la CNESST, ajoute qu’« il n’y a pas seulement une technique de manutention. Le travailleur doit effectuer une lecture du contexte de manutention et choisir la technique adaptée à la situation ». L’ergonome rappelle que les mouvements plus hauts que les épaules sont problématiques. Pour aider à prévenir les blessures, plusieurs appareils de manutention existent sur le marché, par exemple des transpalettes, des convoyeurs ou un système d’aspiration pour acheminer le contenu des sacs vers un endroit précis.
D’autre part, les travailleurs déplacent occasionnellement des barils de bière, parfois sur quelques mètres. Des blessures à la suite d’un faux mouvement, de la chute d’un baril ou d’une chute de plain-pied peuvent survenir. Patrick Lorazo souligne l’importance d’éliminer les dangers à la source, par exemple en remplissant les barils de bière là où ils doivent être entreposés, et ce, de manière à ne pas avoir à les manipuler lorsqu’ils sont pleins. Une fois qu’ils sont vides, leur contenu ayant par exemple été acheminé vers la salle à manger des établissements qui reçoivent la clientèle, les barils doivent être déplacés au moyen d’un appareil de manutention. Pour éviter leur basculement ou leur chute, ils doivent être empilés de façon que leur stabilité ne soit pas compromise.
Des mesures de protection
Comme dans tous les milieux de travail, il faut suivre une procédure stricte de cadenassage ou de contrôle des énergies lors de l’entretien de toutes les machines utilisées. Ainsi, lors du concassage, il doit y avoir « des protecteurs, qui demeurent toujours fixes, sous forme de grillage pour empêcher que les mains des travailleurs entrent en contact avec les parties mobiles du concasseur » à l’endroit où les grains sont cassés, explique Hassan Zarmoune, ingénieur et inspecteur-expert à la Direction régionale de Montréal de la prévention-inspection de la CNESST. De plus, les machines doivent être munies d’un bouton d’arrêt d’urgence. Le débranchement d’une machine est suffisant seulement si le bouton est à portée de main, sous le contrôle exclusif de la personne qui l’utilise, que la source d’énergie de la machine est unique et qu’il ne subsiste aucune énergie résiduelle à la suite du débranchement.
Prévenir les brûlures
Les travailleurs de brasseries peuvent être exposés aux produits chimiques et à du moût en ébullition, entre autres. Par exemple, lors du processus d’ébullition, il est possible que le liquide déborde, c’est pourquoi les inspecteurs insistent sur le port d’un équipement de protection lors de l’utilisation d’une machine qui comporte des risques de brûlures. Conséquemment, le risque de débordement de la cuve lors de l’ébullition du moût doit être pris en considération par l’employeur. « Des pantalons longs » pour couvrir tout le corps, « des bottes de sécurité », « des lunettes de protection » et « des gants résistants aux produits chimiques » font partie des pièces d’équipement obligatoires, indique Mathieu Robinson, brasseur en chef à La Succursale, une brasserie artisanale dans le Vieux-Rosemont. De plus, une douche oculaire doit être à la portée des employés pour qu’ils puissent rapidement intervenir si un contact avec un produit chimique cause des lésions aux yeux d’un travailleur. L’employeur a également l’obligation de former les travailleurs qui manipulent des produits dangereux sur le SIMDUT.
Les poussières
Plusieurs risques pour la santé des travailleurs sont également présents dans le domaine brassicole. Par exemple, lors du processus de concassage, il est impératif d’avoir une captation à la source des poussières. Le travailleur peut également se munir d’un appareil de protection respiratoire en raison de l’exposition à celle-ci. Hassan Zarmoune évoque qu’avec le temps, les poussières de farines peuvent provoquer « des rhinites, des réactions allergiques, cutanées ou respiratoires, et de l’asthme professionnel » chez l’être humain. Selon Patrick Lorazo, il ne faut pas non plus oublier les risques d’incendie liés au dépôt de poussières de grains dans une pièce. « Ces poussières sont combustibles et peuvent s’accumuler. […] Il faut s’assurer de bien nettoyer la zone après l’usage », précise-t-il. Pour ce faire, l’utilisation d’un aspirateur antidéflagrant, conçu pour les poussières sèches et humides, ou d’un chiffon humide est requise. La réglementation exige également que les bouteilles de gaz sous pression soient retenues au mur pour éviter qu’elles ne tombent.
Réduire le bruit
Qui plus est, le bruit n’est pas à négliger. En effet, si une machine cause trop de pollution sonore, par exemple un concasseur, il faut réduire le bruit à la source en encoffrant le concasseur dans une pièce insonorisée ou en apportant des modifications à la machine. Cependant, « pour se protéger du bruit accessible à l’intérieur de la pièce de concassage, le travailleur doit porter convenablement des protecteurs auditifs », indique Hassan Zarmoune. À long terme, une surexposition au bruit peut générer des dommages irréversibles à l’oreille interne. En plus des mesures de prévention pour les travailleurs affectés à la production de la bière, de plus en plus de microbrasseries offrent des repas. Dans ces cas-ci, il faut alors redoubler de prudence. Dans les microbrasseries comme dans tous les milieux de travail, la vigilance est de mise. Levons nos verres à la santé et la sécurité des travailleurs!
Étapes de production de la bière
- Assainir l’équipement utilisé
- Préparer les grains et les moudre
- Ajouter les grains à la cuve d’empattage
- Transférer le moût dans la cuve d’ébullition
- Bouillir et ajouter les houblons et les épices
- Transférer le moût dans la cuve de fermentation
- Ajouter la levure
- Fermenter d’une semaine à un mois
- Transférer dans la cuve de garde et ajouter du CO2
- Mettre la bière en baril pour le service