Reconstituer l’exposition des travailleurs aux insecticides

Par Laurie Noreau

14 août 2019

Les insectes ravageurs peuvent nuire aux récoltes et nécessiter l’épandage d’insecticides dans les champs, notamment ceux de la famille des pyréthrinoïdes. L’une de ces substances, la lambda-cyhalothrine, est abondamment utilisée. Les travailleurs agricoles y sont donc régulièrement exposés, mais il est difficile de déterminer les doses qu’ils absorbent réellement. La solution : reconstituer le comportement de ces molécules dans le corps humain en observant les métabolites.

Les métabolites sont des composés intermédiaires pouvant être considérés comme les marqueurs du passage d’une molécule. On les trouve dans le sang et dans l’urine des travailleurs. Lorsqu’elle est absorbée, la lambda-cyhalothrine est rapidement scindée en deux métabolites : le 3-PBA et le CFMP. Les chercheurs ont donc suivi pas à pas leurs déplacements dans le corps pour comprendre la façon dont ils s’y comportent.

« Lorsque nous analysons la concentration en métabolites d’un échantillon d’urine, plusieurs scénarios d’exposition peuvent expliquer la quantité que l’on trouve. Il faut donc se baser sur l’évolution de la concentration dans l’urine en fonction du temps », explique Michèle Bouchard, professeure titulaire et directrice du Département de santé environnementale et santé au travail et titulaire de la Chaire d’analyse et de gestion des risques toxicologiques à l’Université de Montréal.

Les études chez des volontaires que Michèle Bouchard et son équipe de recherche ont menées montrent qu’après une exposition cutanée, les niveaux de métabolites de la lambda-cyhalothrine prennent plus de temps à augmenter dans l’urine. Au contraire, une exposition orale ou respiratoire fera augmenter beaucoup plus vite les niveaux des biomarqueurs (métabolites), car l’absorption est alors beaucoup plus rapide.

Après avoir suivi attentivement le trajet qu’empruntent les métabolites dans l’urine et le sang des volontaires (tous soumis à la même dose), un modèle mathématique simulant l’absorption, le métabolisme et l’élimination des métabolites dans le corps humain a été généré. Au moyen de ce modèle et des échantillons d’urine sur 24 heures, il est maintenant possible d’estimer les doses absorbées et d’obtenir une indication de la voie d’exposition.

Une grande famille d’insecticides

Le devenir métabolique des pyréthrinoïdes, la famille d’insecticides de la lambda-cyhalothrine, n’a presque plus de secret pour les toxicologues. Par le passé, l’équipe de recherche de Michèle Bouchard avait utilisé la même méthode pour étudier le comportement dans l’organisme de deux autres pyréthrinoïdes : la perméthrine et la cyperméthrine. Force est de constater que la lambda-cyhalothrine partage des similitudes avec eux. Dès qu’elles pénètrent dans le corps, ces trois molécules sont rapidement métabolisées, et ce, par les mêmes types d’enzymes. La formation des métabolites est aussi très rapide.

« En ce qui concerne le comportement cinétique, c’est-à-dire la vitesse à laquelle les molécules apparaissent et disparaissent dans le corps, nous pourrions le généraliser à tous les pyréthrinoïdes », assure Michèle Bouchard.

Toutefois, alors que les deux insecticides étudiés précédemment produisaient les mêmes métabolites, la lambda-cyhalothrine en possède un plus spécifique, le CFMP. De plus, son degré de toxicité varie beaucoup. Alors que dans le cas d’une exposition aiguë, la dose de référence par ingestion de la perméthrine et de la cyperméthrine est respectivement de 0,25 et 0,1 mg/kg/jour, celle de la lambda-cyhalothrine est de 0,0025 mg/kg/jour. Il suffit donc d’en absorber une moins grande quantité pour observer des effets néfastes sur la santé.

Et la coexposition?

Même si les producteurs agricoles n’appliquent pas nécessairement un cocktail de produits dans leurs champs, il leur arrive fréquemment de jumeler un insecticide à un fongicide.

Quelle influence cette coexposition peut-elle avoir sur les travailleurs ? C’est la question à laquelle Michèle Bouchard s’affaire à répondre actuellement. « Nous ciblons à nouveau la lambda-cyhalothrine, qui est souvent appliquée avec un fongicide. Lorsque nous sommes exposés à deux pesticides en même temps, ces derniers risquent-ils de rivaliser pour les mêmes enzymes lors de la métabolisation? Cela pourrait avoir un impact sur le profil temporel des molécules dans l’urine et des quantités excrétées. »

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